La double
"citoyenneté "de Jésus
Quelle était la
citoyenneté de Jésus ? De quel pays
était-il le citoyen ? Ces termes modernes ne sont
guère utilisables pour préciser quelle
était la situation juridique de cet habitant de
Nazareth ( Galilée ) né à
Betléem ( Judée ). Evidemment, en son
temps, Jésus n'était pas un citoyen au sens
que nous donnons à ce mot dans nos
démocraties occidentales! Il ne possédait
pas une nationalité au sens où nous
l'entendons aujourd'hui. Disons qu'il était
plutôt un "sujet" relevant de plusieurs Pouvoirs
politiques en même temps.
En tant que "juif" et comme tous
les juifs résidant au pays d'Israël ou
ailleurs, Jésus relevait de l'autorité
politico-religieuse du Sanhédrin, ce grand conseil
qui siégeait au Temple de Jérusalem et
devant lequel il a comparu pour être jugé.
Mais, par ailleurs, en tant qu'habitant de la
Galilée, il était ressortissant du pouvoir
politique du roi Hérode mis en place par
l'"imperium", le Pouvoir politique suprême de
l'Empereur romain. Toutes ces régions, en
effet, étaient sous la domination de César,
de ses légats et de ses légions. C'est
devant Pilate, le gouverneur romain que s'est
terminé le procès de ce " Jésus de
Nazareth, roi des Juifs".
"
Quand Pilate apprit que l'enseignement de
Jésus avait commencé en
Galilée, il demanda si cet homme
était galiléen. Ayant appris
qu'il relevait de l'autorité
d'Hérode, Pilate l'envoya à
Hérode qui se trouvait aussi à
Jérusalem ces jours-là"
( Luc 23. 1à 12
).
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Inutile de dire que c'est par
force, et non par choix, que Jésus se trouvait
sous la domination de ces différents
pouvoirs. A leur égard il se sentait et se
voulait totalement libre. Il n'hésitait pas
à qualifier Hérode de "renard". Il
disait fièrement à Pilate: " Tu n'aurais
sur moi aucun pouvoir si ce pouvoir ne t'avait
été donné d'en-haut". Quand aux
chefs religieux de Jérusalem chacun de nous sait
quelle avalanche de "
malheurs" il prophétisa
à leur sujet ( voir Matthieu 23 )
Il est d'autant plus important de
noter que Jésus, loin de prêcher ou
d'organiser la révolte contre ces diverses
autorité politiques, établies de fait, les
a toujours respectées et reconnues. Ce qui ne veut
pas dire qu'il les ait sacralisées ! Ni qu'il les
ait servies ! Pour employer un terme moderne (
l'État ) disons qu'il n'a été ni
rebelle contre l'État ni un collaborateur de
l'État.
En réalité, et en
profondeur, le prophète de Nazareth était
serviteur d'Adonaï, le Seigneur d'Israël.
Uniquement de Lui! Il se voulait le "ressortissant" du
Royaume d'IHWH et le " citoyen" de la Cité de
Dieu, ce seul et unique Roi de Sion, d'Israël et de
toute la terre. Et, pour lui, cette "
citoyenneté-là" était absolument
prioritaire et sacrée. Autant il se tenait
à distance d'Hérode et de césar,
autant il se donnait totalement à son
"Père" et ne servait que Lui seul, son unique "
Seigneur". En conséquence il n'est pas
rigoureusement exact de dire que Jésus avait une
double citoyenneté. Ne vaudrait-il pas mieux
dire qu'au fond il n'avait qu'une seule
citoyenneté, celle du royaume de Dieu qui arrivait
en Israël et dont la " théocratie" remplirait
un jour toute la terre?
"La
Théocratie", dit le dictionnaire " est le
mode de gouvernement dans lequel l'autorité est
censée émaner directement de la
divinité et est exercée par une caste
sacerdotale ou par un souverain considéré
comme le représentant de Dieu sur la terre". (
Petit Robert ). C'était le cas en Israël:
c'est au Temple du Seigneur, à Jérusalem,
que Dieu régnait sur son peuple. Il le
faisait par l'autorité des prêtres qui
exerçaient en son nom un pouvoir religieux et
politique. Ce pouvoir établi s'exprimait, par
exemple à travers le prélèvement de
l'impôt pour le Temple, la didrachme que tout juif
devait payer. Jésus et ses apôtres
payaient cette redevance, en loyaux ressortissants de la
cité de Dieu et de son Temple. Ce
n'était pourtant pas sans problème de
conscience et un épisode relaté par
l'évangile illustre bien les deux aspects du
comportement civique de Jésus: d'une part la
"soumission" à l'autorité ( même si
elle est impie et dévoyée), d'autre part la
distance contestataire prise à l'égard de
ce pouvoir de droit divin:
"Lorsqu'ils
arrivèrent à Capharnaüm,
ceux qui percevaient les didrachmes
s'adressèrent à Pierre, et lui
dirent: Votre maître ne paie-t-il pas
les didrachmes?Oui, dit-il. Et quand il fut
entré dans la maison, Jésus le
prévint, et dit: Quel est ton avis
Simon? Les rois de la terre, de qui
perçoivent-ils des tributs ou des
impôts? de leurs fils, ou des
étrangers? Il lui dit: Des
étrangers. Et Jésus lui
répondit: Les fils en sont donc
exempts. Mais, pour ne pas les scandaliser,
va à la mer, jette l'hameçon,
et tire le premier poisson qui viendra;
ouvre-lui la bouche, et tu trouveras un
statère. Prends-le, et donne-le-leur
pour moi et pour toi. "
( Matthieu 17.24
à 27 )
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Sans entrer dans l'examen
détaillé de ce récit, notons
seulement ici, comme dans tout l'Évangile, le
double caractère de la morale civique de
Jésus: d'un coté la liberté totale
vis à vis des Pouvoirs établis dont il ne
veut pas être le " sujet" sagement et prudemment
soumis;de l'autre coté la volonté constante
de rester subordonné aux autorités et
à ses règles dans la mesure où le
civisme ( plein d'amour et d'humour comme ici) n'oblige
pas à désobéir à Dieu. D'une
part une sainte liberté qui n'est pas celle d'un
rebelle ou d'un " libertaire"; d'autre part une sainte "
soumission" qui n'est pas celle d'un vassal des
autorités ni d'un inconditionnel de
l'obéissance à tout prix, au mépris
de la volonté de Dieu.
Jésus savait
désobéir quand il le
fallait. Jésus n'a jamais été
disponible pour prendre les armes ou se préparer
à tuer. L'obéissance au Père
est son " éthique".