Soumission et
obéissance
Au premier abord ce titre semble en
contradiction avec le titre des pages
précédentes: " liberté et
résistance". Il est pourtant indispensable pour
prévenir tout malentendu sur le civisme
pratiqué par Jésus selon les
évangiles.
Tout l'Évangile, en effet,
atteste que la résistance que Jésus
opposait aux forces d'oppression et d'aliénation
qui écrasait son peuple n'a pas été
une résistance armée et violente.
C'était une ardente résistance par la
parole et par le témoignage de la vie, une
résistance qui allait souvent de pair avec la
transgression des interdits ( notamment des règles
relatives au sabbat) et même la "
désobéissance civique" ( par exemple la "
manifestation " messianique pacifique de l'entrée
royale à Jérusalem ou l'expulsion des
marchands du Temple.). N'employer donc pas "violence"
à tord et à travers pour qualifier tel
comportement de Jésus. Pour ce mot, tâchons
de lui laisser le sens de violence meurtrière qui
porte atteinte à la vie même de ceux qu'on
tue ou veut tuer ( c'est le cas de l'assassinat et de la
guerre ). Le fondateur de l'Islam a mené de
nombreuses guerres,le fondateur du royaume messianique
n'en a mené aucune. Il n'en a pas moins
été le résistant par excellence aux
puissances démoniaques, libre à
l'égard de tous et libérateur de
tous.
Il est d'autant plus
important, lorsqu'on parle du civisme de Jésus, de
bien comprendre ce que sont son obéissance et sa
soumission. Deux "vertus" qui ne sont guère
à la mode aujourd'hui ! Disons tout de suite que
c'est avant tout par rapport à Dieu son "
Père" que Jésus s'est voulu soumis et
obéissant. Juste avant son arrestation, au
Jardin de Gethsémani,l'effroyable agonie
spirituelle qu'il a dû affronter a abouti à
cette prière de soumission à Dieu:
" Toutefois non
pas ce que je veux mais ce que tu
veux!". Le maximum
d'obéissance au Père coïncidait alors
avec le maximum de résistance au mal. La
suprême liberté consistait alors dans la
suprême "désobéissance" à sa
propre "chair" et aux désirs vitaux de son
être. L'anarchisme du prophète de
Nazareth est " théocratique". Il consiste
à dire, non pas "ni Dieu ni maître", mais au
contraire:" le Seigneur d'Israël est mon
maître!"
C'est sans doute l'évangile
de Jean qui met le plus en évidence cette
soumission de Jésus à Dieu:
" Ma
nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui
m'a envoyé",
répète constamment ce "Fils" qui se veut
toujours subordonné au "
Père". Peut-être le dogme de
l'égalité du Père et du Fils, quant
à leur divinité, obscurcit-il
dangereusement ce fait de la subordination toujours libre
et volontaire de l'homme Jésus devant son
Dieu. Car Jésus n'est pas "soumis " à
Dieu comme un subordonné à son chef ou un
sujet résigné et passif. C'est l'amour
filial qui est la constante motivation de Jésus.
Nous aurons à nous en souvenir quand nous
parlerons de la soumission du chrétien.
Cette subordination humble et
obéissante de celui qui a voulu être un
simple serviteur se retrouve dans ses relations avec ses
compatriotes, spécialement avec ses
disciples. La meilleure illustration en est
l'épisode relaté par Jean: Jésus
lave les pieds de ses disciples. Pour pratiquer un tel
geste, normalement confié à un petit
serviteur, il était indispensable de se placer "
dessous", en bas, à genoux même, c'est
à dire en position de " sub-ordination", j'ose
dire" sous la table". Le Maître s'est ainsi
"soumis" à ses disciples. C'est sa
façon à lui d'être " Seigneur et
Maître" (Jean 13. 13 ). Ainsi a t-il, pour ses
messagers, proscrit toute notion de
supériorité, de droits, de
prérogatives,de " magistère" ( au lieu de "
mini-stère") ou de cléricalisme.
Soumission et liberté,
obéissance et résistance, tel était
le civisme de ce "serviteur de l'Éternel" qui
voulait aimer Dieu de tout son coeur et aimer son
prochain comme soi-même. Un parfait objecteur de
conscience!
Voilà pourquoi, pour
témoigner que Jésus était son "
modèle" et son " héros" ( et nullement son
"idole"!) l'apôtre Pierre disait pour proclamer
l'évangile:
"
Vous savez ce qui est arrivé dans toute
la Judée, après avoir
commencé en Galilée, à la
suite du baptême que Jean a
prêché;
vous savez comment Dieu a oint du Saint Esprit
et de force Jésus de Nazareth, qui
allait de lieu en lieu faisant du bien et
guérissant tous
ceux qui étaient sous l'empire du diable,
car Dieu était avec
lui."
( Actes des
apôtres 10. 37 et 38
).
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C'est ainsi que notre
maître"
rendait à Dieu ce qui est à
Dieu", sans pour autant
empêcher de " rendre
à César ce qui est à
César". Il n'a pas
adopté une position de rébellion contre la
puissance romaine et contre le pouvoir des chefs du
peuple juif.
Bien qu'il se refuse à
être un " sujet " du Pouvoir établi
Jésus accepte et reconnaît, par sa foi en
Dieu, que le magistrat qui dispose de la force
armée reste toujours un instrument du Vouloir
divin:
"
Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir" dit-il à
Pilate, si ce pouvoir ne t'était octroyé d'
En Haut".
( Jean 19. 11 et Romains 13.1
à 9 )
