L'approbation
divine.
Souvent se présente
l'objection suivante: " tu cherches à recomposer
un personnage historique de Jésus de Nazareth qui
soit conforme à ton idée de non-violence
radicale et de pacifisme absolu fondés sur l'amour
des ennemis. Mais, pour cela, non seulement il te faut
sauter par dessus vingt siècles d'Histoire mais
aussi, il te faut trancher sans nuances dans le
problème des épineuses
interprétations multiples d'un "Jésus
historique" qui nous échappe, et de sa
conformité au " Jésus de la foi", le
Seigneur ressuscité proclamé par
l'Église."
Évitant le piège de
ce buisson d'épines d'où un chrétien
ordinaire ne sort pas sans mal, je me contente maintenant
d'esquisser quelques réponses de foi aux deux
questions suivantes: le Christ ressuscité, et
vivant aujourd'hui au milieu des siens, a-t-il les
mêmes positions civiques et politiques que le
Jésus du 1° siècle? Et deuxième
question: est-ce que Dieu notre Père a
approuvé, et approuve-t-il toujours, la ligne
politique de ce " fils d'Abraham" qui, humainement
parlant, a lamentablement échoué dans son
rêve utopique du " Royaume"?
Le Jésus d'aujourd'hui, qui
est-il? S'il n'est qu'un grand homme du passé, si
les paroles qu'il a dites se sont éteintes pour
toujours avec son dernier soupir sur la croix, il est
ridicule, bien sûr,de se demander ce que
Jésus pense et dit aujourd'hui: on ne peut que "le
faire parler" et les évangiles du Nouveau
Testament ne sont qu'une émouvante façon de
" le faire parler" selon l'imagination de ses amis du
1° siècle ! Mais si, en
réalité, comme le croit et l'affirme depuis
le début toute l'Église chrétienne,
si en réalité il est ressuscité,
vivant et agissant en Seigneur souverain de l'univers,
parlant par la bouche des prophètes et conduisant
son peuple par le ministère de l'Esprit, alors il
est absolument nécessaire de répondre aux
questions suivantes: le Jésus vivant que nous
prions aujourd'hui tient-il le même langage,
fait-il les mêmes promesses et donne-t-il les
mêmes ordres que le prédicateur
charismatique galiléen que suivaient Pierre,
Jacques, Jean et les autres disciples ?
Si je répond "oui" à
ces questions, alors je vais prendre mes distances par
rapport aux doctrines des Églises ( notamment en
matière de politique et de civisme ) et je vais
m'appliquer à suivre ce que Jésus
enseignait lui-même à ses disciples au bord
du lac de Galilée: non pas bêtement mais
intelligemment, sans me laisser intimider par les
théologiens. Par exemple si le " sermon sur
la montagne" me dit, me prescrit "d'aimer mes ennemis" je
me mettrai aussitôt à l'apprentissage de cet
amour là. Sans faire barrage à priori
à l'ordre du Maître, soit par mes objections
personnelles ( ex: " c'est impossible ! Jésus met
la barre trop haut ! et c...) soit par mes sophismes et
les arguties des biblistes et des prédicateurs qui
savent si bien annuler la Parole du Jésus
d'aujourd'hui et d'hier ( exemple: " les conditions pour
qu'une guerre soit juste", " la théologie du
moindre mal", les nécessités
inéluctables de la politique et des
solidarités citoyennes" et c....) par leurs
traditions héritées de leurs
devanciers. Quand on croit en Jésus est-il
tellement difficile de croire qu'il nous dit aujourd'hui
exactement la même chose que ce qu'il disait
à ses premiers témoins ? ! Pourquoi le
ressuscité aurait-il changé d'idée a
la suite de sa résurrection ? Pourquoi le
crucifié, après avoir reçu du
Père "
tout pouvoir dans les cieux et sur la
terre" ( Matthieu 28 )
aurait-il cessé d'interdire aux siens de faire la
guerre et de détruire la vie de leurs ennemis?
Bien sûr que non ! Ni le "Seigneur" dont parlent
les écrits apostoliques du Nouveau Testament, ni
le " Fils de l'Homme" glorifié que fait contempler
l'Apocalypse de Jean ne lui attribuent d'autre
enseignement civique que les quatre Évangiles et
les Actes des Apôtres. Chacun sait,
d'ailleurs, que les rédactions finales des
récits évangéliques ont
reporté la lumière d'après
Pâques sur les faits et gestes du Jésus
d'avant Pâques. Les " deux Jésus", si j'ose
dire, n'en font qu'un en réalité: c'est la
même éthique non-violente qu'ils
prophétisent.
La différence, à mon
sens capitale, est qu'en ressuscitant son Fils, en
l'élevant à sa droite, en couronnant et en
intronisant ce juste injustement condamné, le
Père a approuvé pour toujours, la ligne de
conduite civique et politique douloureusement apprise,
dans la foi obéissante, par le Nazaréen. La
résurrection de Jésus est l'acte
décisif par lequel Dieu le Père dit " oui",
une fois pour toutes, à la politique du Royaume
inaugurée par Jésus dans la synagogue de
Nazareth
"Jésus,
revêtu de la puissance de l'Esprit,
retourna en Galilée, et sa
renommée se répandit dans tout
le pays
d'alentour.
Il
enseignait dans les synagogues, et il
était glorifié par
tous.
Il
se rendit à Nazareth, où il
avait été élevé,
et, selon sa coutume, il entra dans la
synagogue le jour du sabbat.
Il se
leva pour faire la
lecture,
et
on lui remit le livre du prophète
Esaïe. L'ayant déroulé, il
trouva l'endroit où il était
écrit:
L'Esprit
du Seigneur est sur
moi,
Parce
qu'il m'a oint pour annoncer une bonne
nouvelle aux pauvres;Il m'a envoyé
pour guérir ceux qui ont le cÏur
brisé,
Pour
proclamer aux captifs la
délivrance,
Et
aux aveugles le recouvrement de la
vue,
Pour
renvoyer libres les
opprimés,
Pour
publier une année de grâce du
Seigneur.
Ensuite,
il roula le livre, le remit au serviteur, et
s'assit. Tous ceux qui se trouvaient dans la
synagogue avaient les regards fixés
sur lui. Alors il commença à
leur dire: Aujourd'hui cette parole de
l'Écriture, que vous venez d'entendre,
est accomplie. "
( Luc 4. 14 à
21 )
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Chaque chrétien
d'aujourd'hui est donc tenu de suivre et de pratiquer ce
civisme d'amour " sans frontières" et de paix "
sans conditions", sans obéir aux injonctions
inverses du culte de la patrie et des lois des
États de ce monde. C'est cela que Dieu veut
et bénit.
Mais ne perdons jamais de vue que
de telles positions, non-conformistes et très
dangereuses, ne sont tenables et applicables que par la
foi au proche " Retour" triomphal du Roi des
Rois. La perspective de l'Arrivée victorieuse
du Bien Aimé est la base du civisme
chrétien. Car le civisme radical du disciple
du Christ dépend de sa foi politique, c'est
à dire sa foi au Règne politique
de
"Celui qui est, qui
était et qui Vient"
( Apocalypse 1. 4 )
Si la foi du chrétien, au
contraire, n'est que " religieuse", elle se cantonnera
volontairement dans la sphère privée,
mystique, ecclésiale et forcément
conservatrice et réactionnaire. Telle n'est
pas, aujourd'hui, la politique du Maître de
l'Histoire, notre Seigneur, dont l'avènement est
proche et qui est déjà vainqueur de tous
les " Césars".
C'est donc la politique de
Jésus sur laquelle nous allons ensemble
méditer et réfléchir dans les
prochaines pages.