Dieu, le sacré, le culte,
l'église, la chrétienté
RELIGION
oecuménisme, multitudinisme, sectes
et dissidences, catholicismes, protestantismes,
sacrements, eucharistie, ministères,
actes pastoraux, laïque 1 , laïque 2,
papauté, théologie, mystique,
évangélique, objections de
conscience, ecclésiale et
c....
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" Jésus a annoncé le
Royaume de Dieu et... c'est l'Église qui
est venu."
Alfred Loisy ( 1857-1940 ) prêtre
excommunié
|
Oui, c'est une " religion" qui est venue,
hélas!
De même qu'en matière de politique la foi
au Christ conduit à être objecteur " par
motif de conscience", de même en matière de
religion, la même conscience du chrétien le
conduit à des objections.
J'ai été amené, pour ma part,
à de telles objections, théologiques et
pratiques, contre ce qui m'apparaît clairement
comme des déviations de l'Église. Je
m'en expliquerai plus loin.
Pour commencer ce chapitre intitulé "Religion" par
quelques mots sur l'Église, arrêtons-nous un
peu sur la phrase d'Alfred Loisy que je viens de citer:
" Jésus
a annoncé le Royaume de Dieu et... c'est
l'Église qui est venue". J'ajouterais
volontiers " Hélas ! " Mais un théologien
actuel préfère ajouter le correctif
suivant: " Oui, d'accord, mais l'Église continue
d'annoncer le Royaume de Dieu". A chacun d'en
juger. Mais la phrase de Loisy dit vrai.
Deux remarques, en tout cas, me viennent
à l'esprit.
- La
première est un
étonnement: je me suis vu
obligé de classer " l'Église " dans la
rubrique " Religion" comme tout le monde.
Or, dans le premier chapitre
intitulé " Politique" je viens tout juste
d'expliquer pourquoi il faut mettre dans la
catégorie " politique": et le
Seigneur d'Israël et sa " théocratie"
et la Seigneurie du Messie Jésus
et son Royaume et
l'Évangile fondateur ( " Jésus a
annoncé le Royaume de Dieu".)
Me suis-je trompé? Où est
l'erreur? Pourtant, me mettant à la place du
lecteur, il fallait bien que j'emploie son langage
habituel qui est celui de tous les historiens,
sociologues, journalistes, hommes d'Église.
Ceux-ci , depuis le 4° siècle, ont permis que
la communauté du Messie juif soit inscrite au
nombre des " religions" de ce monde, sous le nom de "
christianisme". Tout fidèle
d'une dénomination chrétienne pense ainsi
et parle ainsi. Et la revue " Le monde des
religions" ( Directeur Frédéric Lenoir) a
pour objet de parler des diverses " religions" du monde
actuel ou des siècle passés: culte des
ancêtres, animisme, chamanisme, taoïsme,
bouddhisme, islam, judaïsme, christianisme et c...
Le langage courant nous a habitués à
grouper dans la rubrique
"monothéisme" les trois grande
religions: judaïsme, christianisme, islam. Il classe
en même temps, sous le groupe " christianisme" ,
des sous groupes tels que catholicisme romain et
protestantisme:" Je suis de religion protestante" dit
couramment le protestant ordinaire.
- Ma deuxième
remarque est une constatation
mais une constatation qui remet en cause un certain
nombre de faits et de situations, du moins si on veut
prendre au sérieux l'autorité souveraine du
Christ ressuscité.
Il m'arrive souvent de demander à un
interlocuteur qui milite pour les " valeurs
protestantes": " Mais voyons, dites-moi, Jésus
était-il protestant? ou était-il
catholique? " Un peu gêné l'ami est bien
obligé de répondre : " Ni l'un ni l'autre
!"
Bien sûr ! C'est l'évidence
même, selon le Nouveau Testament.
Et si c'est à un catholique que je
pose la même question , il est également
gêné et surpris, me disant parfois: " Tiens
je n'avais jamais pensé à ça ! ",
tellement il est formé à unir
indissolublement Jésus et la " religion catholique
romaine".
Or, un tel état de fait me trouble au plus haut
point, et cela depuis longtemps. Non pas pour
promouvoir le retour pur et simple au " christianisme"
primitif ( en niant vingt siècles d'Histoire)
mais, au contraire, pour désacraliser
l'Histoire prétendument conduite par le
Saint Esprit.
N'importe quel lecteur impartial du Nouveau Testament est
frappé de constater un immense contraste entre ce
qu'est l'Église actuelle héritée de
nos pères et ce qu'étaient les
assemblées chrétiennes de la seconde
moitié du premier siècle. Plus grave
encore et plus profond le fossé creusé
entre l'enseignement de Jésus d'après les
Évangiles et les doctrines ecclésiastiques
enracinées depuis des siècles.
L'opposition est telle que, sans
hésiter, il faut parler de subversion, de
dérive, de caricature et de trahison.
Trahison envers le chef souverain de
l'Église, le Christ au pouvoir
" à la droite du Père
".
Si ce n'était que reniements de ce
que nos aïeux ont cru et pratiqué, s'il ne
s'agissait que de contrarier nos guides spirituels
respectifs, si le plus grave n'était que
d'attrister nos " Églises", on pourrait prendre
à la légère l'état de fait
auquel chaque chrétien est tellement
habitué. Après tout, cela
n'empêche pas de dormir !
Mais si, à l'inverse, c'est le
Seigneur lui-même qui pleure continuellement sur
notre trahison, si c'est lui ( mort pour nous et par nous
! ) que nous offensons et contrarions radicalement, alors
il y a nécessité absolue et urgence pour
que nos objections de conscience ecclésiales
soient radicales et en actes.
C'est une grave erreur de croire que
Jésus a voulu fonder une
religion. Le projet et le programme du
Prophète galiléen n'ont jamais
été de créer le "Christianisme", une
religion " chrétienne" venant succéder
à une religion juive, le judaïsme. A
juste titre on fait remarquer que, selon le Nouveau
Testament, Jésus de Nazareth n'a jamais
été un "chrétien", le premier
chrétien!
Certes on peut comprendre que les
historiens et les sociologues contemporains soient tenus
d'avoir cette vision des choses et classent un "
christianisme" après un "judaïsme" et avant
un " mohamétanisme", ( l'Islam): catalogue des
religions!
Mais l'exégète des
Évangiles voit bien, à chaque page de ces
témoignages, que Jésus a voulu proclamer et
inaugurer le Royaume de Dieu et, à
cet effet, ramener tout Israël à la "
théocratie" d'Adonaï son Père, c'est
à dire, à la fidélité
à l'Alliance et à la Sanctification de son
Nom: " Que ton Nom soit
sanctifié!", qu'il ne soit plus
profané! Car le Dieu d'Israël seul est "
Saint " ( unique en son genre, en
exclusivité) et en lui seul est
absorbé et dissous tout le "
sacré".
C'est le moment, ici , de montrer la
différence entre le " sacré"
et le " saint", à la lumière
de ce que révèlent les écrits des
évangélistes et des apôtres:
- Est "
Saint" ce qui est mis à part pour
appartenir totalement à Dieu et servir à
son usage exclusif. Par exemple quiconque croit en
Jésus comme à son Maître et Sauveur
est un " saint" ..Le corps du chrétien est "
saint", et c. Parce que " Toi seul es Saint, toi
notre Père, nous participons à cette
sainteté en ajustant notre conduite à la
tienne".
- Le "
sacré", par contre, est le contraire
du " profane" et se retrouve dans toutes les religions.
Au sens strict, il est ce qui a une valeur absolue au
point de ne pouvoir être touché ( sauf
précautions rituelles particulières) sans
sacrilège. Le sacré exige
vénération, adoration, respect
inconditionnel et sacrifice ( " Mourir pour la patrie est
le sort le plus beau"." Amour sacré
de la patrie..." " Pays sacré de nos
aïeux" ( chant de la cévenole").
Le "sacrement" est un rite
qui rend sacré, par lequel le
sacré opère. Et le
sacrilège, offense faite au
sacré, consiste par exemple à cracher sur
un crucifix ( ainsi fit Giordano Bruno, sur le
bûcher dressé par l'Église en 1600,
à Rome).
L'énumération qui suit permet de
comprendre la profondeur de la révolution "
religieuse" accomplie par Jésus dont la croix a
aboli tout sacré:
Personnes sacrées,
Lieux et espaces sacrés,
Temps et cérémonies
sacrés.
Actes et rites sacrés,
Paroles et dogmes sacrés,
Objets et vêtements sacrés.
Édifices et liturgies
sacrés, Hymnes et chants
sacrés, Musique sacrée.
Sacralisation des défunts , des martyrs, de la
Nation
Sacralisation d'un Livre, de
l'Église, de la Tradition .....
Il faudrait relire attentivement les quatre
évangiles pour voir notre Maître à
l'oeuvre, désacralisant en paroles et en actes
aussi bien le clergé du Temple que le Chabat,
aussi bien les théologies dominantes que les
prescriptions rituelles ou les interdits ( il
touche un lépreux qu'il
guérit !!). Je soulignerai
spécialement ce qu'il dit du Temple, selon Jean
4.
L'ABOLITION DES SANCTUAIRES
Dans l'évangile de Jean, Je
conseille de relire le chapitre 4 ( versets 1 à 42
): l'épisode de la rencontre de Jésus avec
la femme samaritaine.
Resté seul, prés du puits de
Jacob, avec cette femme méprisée par tout
le village, Jésus brise tous les " tabous" et,
successivement, renverse toutes les frontières que
les règles morales ou la tradition ou les
convenances voudraient lui imposer:
- rester seul avec
une femme épiée par les gens, cela n'est
pas convenable: Il le fait.
- Qu'un juif parle
si librement avec une personne de cette Samarie
hérétique qu'on évite de rencontrer:
il le fait
- Qu'un passant si
instruit en théologie, ose en même temps
entrer dans la vie privée de cette femme, lire
dans son passé et lui ordonner " va chercher ton
mari!", cela semble un peu fort: il le fait
- Mais le plus
inouï c'est qu'il dit des lieux sacrés, des
sanctuaires; à cet égard soulignons-en
l'importance:
" Nos
pères samaritains ont adoré sur
cette montagne-ci ( le mont Gazizim
avec son sanctuaire) et
vous juifs, vous affirmez qu'à
Jérusalem se trouve le lieu où
il faut adorer". Jésus lui dit: "
Crois-moi femme, l'heure vient où ce
n'est ni sur cette montagne que vous adorerez
le Père.... le salut vient des
juifs. Mais l'heure
vient ( et maintenant elle est
là ) où
les vrais adorateurs adoreront le Père
en Esprit et en
Vérité. Dieu
est Esprit...."
( Évangile de Jean 4 . 20 à
24 )
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En Jésus le Messie qui est le vrai
Temple définitif de Dieu, le temps des temples,
sanctuaires, lieux sacrés ou autres " hauts-lieux"
est dépassé. Depuis que, sur la croix, la
Religion l'a tué comme un maudit
exécré qu'il faut profaner et
éliminer, Jésus nous invite à
anticiper la situation du Royaume qui vient
" Là, dans
la Cité nouvelle, je ne vis plus de
Temple. Car son
Temple c'est le Seigneur, avec l'Agneau."
( Apocalypse 21. 22 )
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SE SOUVENIR DE L'AVENIR
Nous l'avons écrit
précédemment, en ce qui concerne la
politique ( c'est à dire le gouvernement d'une
population par un État) le chrétien est
appelé à garder en mémoire ceci:
dans le Royaume de Dieu qui vient, il n'y aura plus
ni Pouvoir ni Domination sauf ceux de
Jésus, régnant uniquement par Amour.
De façon directe, immédiate,
permanente, sans autre médiation que son Esprit
Saint, Jésus se fera le serviteur de tous.
C'est de ce Futur-là qu'il faut sans
cesse se souvenir afin de l'anticiper déjà,
dans nos comportements civiques au milieu de nos
semblables.
Exactement de la même façon, en ce qui
concerne la religion, et le sacré que la religion
sert, produit et réglemente, le chrétien
est appelé à garder en mémoire ceci:
dans le Royaume de Dieu qui vient, il n'y aura ni
Sacré ni Religion sauf la sainteté
parfaite de notre Père et de son Fils unique, nous
sanctifiant de l'intérieur par leur Saint
Esprit d'Amour.
C'est ce Futur-là qu'il nous faut
anticiper dans notre façon de vivre en
église, au milieu de nos frères.