Daumier - "
Ecce homo " l'Agneau
pascal
L'HOMME INCOMPARABLE
suite
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Voici l'homme
incomparable.
En imitateur de
l'évangéliste Jean nous pouvons maintenant
aller plus loin dans la connaissance de l'homme
Jésus. En remplaçant les mots de
Pilate d'un sens caché nous dirons
donc:
" Voici
l'homme ! " signifie: " Voici
l'homme véritable, le représentant d'une
humanité vraiment digne de ce nom,
véritable image de Dieu (
Genèse 1. 26 ), l'homme qui va jusqu'au bout de
l'amour qui se donne, l'Homme
Nouveau.
Un jour, les grands
prêtres et les pharisiens envoyèrent des
gardes pour arrêter Jésus. Les gardes,
au milieu de la foule, en entendant Jésus parler,
ne purent se résoudre à mettre la main sur
lui. Ils revinrent donc vers les grands prêtres et
les pharisiens qui leur dirent: "
Pourquoi ne l'avez-vous pas amené?
". Les gardes
répondirent: " Jamais
homme n'a parlé comme cet homme
!"
( évangile de
Jean 7.32 et 45-46 )
" Jamais
homme n'a parlé comme cet homme
!" Ce témoignage, repris depuis 2000 ans par
d'innombrables lecteurs des Évangiles, dis
très bien à quel point les paroles de
Jésus sont incomparables, sans
pareilles.
L'évangéliste
sans égal.
Au sens propre du
terme " l'évangéliste" ( ou
évangélisateur" ) est une personne qui
annonce une bonne nouvelle, qui fait part d'un fait
nouveau mais d'un fait qui va provoquer une grande
joie. C'est un annonceur, un messager, un " crieur
public", le porteur d'une info réjouissante qu'on
doit communiquer à d'autres.
Telle a
été avant tout la parole de jésus,
le prophète par excellence, unique en son genre et
définitif, porte-parole inégalable de son
Dieu:
"
Après que Jean le baptiseur eut
été mis en prison,
Jésus vint en
Galilée. Il proclamait la
bonne nouvelle de Dieu. Il disait: "
Le temps est accompli, le royaume de
Dieu est devenu tout proche: revenez
à Dieu et croyez à la bonne
nouvelle
(
évangile de Marc 1. 14-15
)
|
Et Jésus allait
de lieu en lieu, en itinérance, pour annoncer
l'Événement: la proximité de
l'arrivée du Règne. Les auditeurs
savaient déjà que le Règne de Dieu
devait venir car Dieu l'avait promis. Mais
maintenant la grande nouveauté qu'ils entendaient
était inouïe: l'heure est
venue, le Règne promis est là, ici
et maintenant ! !
Les
Béatitudes
Selon l'évangile
de Luc 6. 20 à 26: le mot "heureux
! "( latin " beatus) annonce
pour le futur ce que Dieu
fera pour les malheureux du temps
présent. Plus que Matthieu ( 5. 1 à 12
), Luc insiste sur le renversement radical des
situations présentes.
"
Heureux, vous les pauvres: le Royaume de
Dieu est à vous.
Heureux
vous qui avez faim maintenant: vous serez
rassasiés.
Heureux
vous qui pleurez maintenant: vous
rirez.
Heureux
êtes-vous quand les hommes vous
haïssent, vous rejettent et qu'ils
insultent votre nom comme infâme
à cause du Fils de
l'homme.
Réjouissez-vous
ce jour-là et bondissez de joie car
votre récompense est grande dans le
ciel. En effet c'est de la même
manière que leurs pères
traitaient les
prophètes.
Mais
malheur! vous les riches: vous avez
déjà votre
consolation.
Malheur!
vous les repus d'aujourd'hui: vous aurez
faim.
Malheur
! vous qui riez maintenant: vous serez
dans le deuil et vous
pleurerez.
Malheur
! lorsque tous les gens disent du bien de
vous: c'est ainsi que leurs pères
traitaient les faux
prophètes."
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Les
paraboles
une façon symbolique
de parler, chère à
Jésus.
Exemples
:
"Et
il leur dit une parabole: Il y avait un
homme riche dont la terre avait bien
rapporté. Il se demandait: "
que vais-je faire? Car je n'ai pas
où rassembler ma
récolte". Puis il se dit: "
Voici ce que je vais faire: je vais
démolir mes greniers, j'en
bâtirai de plus grands et j'y
rassemblerai tout mon blé et mes
biens. Puis je me dirai à
moi-même: " Te voilà, pour de
longues années, avec
quantité de biens en
réserve; repose-toi, mange, bois,
fais bombance."
Mais
Dieu lui dit: " Insensé ! Cette
nuit-même ta vie te sera
redemandée, et ce que tu as
préparé, qui donc
l'aura?"
Voilà
ce qui arrive à celui qui amasse un
trésor pour lui-même au lieu
de s'enrichir auprès de
Dieu."
(
Évangile de Luc 12. 16 à 21
)
"
Un
théologien dit à
Jésus:" Et qui est mon prochain? "
Jésus reprit: Un homme descendait
de Jérusalem à
Jéricho. Il tomba sur des bandits
qui, l'ayant dépouillé et
roué de coups, s'en allèrent
en le laissant à moitié
mort. Il se trouva qu'un prêtre
descendait par ce chemin. Il vit
l'homme et passa à bonne
distance. De même un
lévite (
serviteur du Temple )
arriva à cet endroit; il vit
l'homme et passa à bonne
distance.
Mais
un Samaritain qui était en voyage
arriva près de l'homme. Il le
vit et fut pris de pitié. Il
s'approcha, banda ses plaies en y versant
de l'huile et du vin, le chargea sur sa
propre monture, le conduisit à une
auberge et prit soin de lui. Le
lendemain, tirant deux pièces
d'argent, il les donna à
l'aubergiste et lui dit: " Prends soin de
lui, et si tu dépenses quelque
chose en plus, c'est moi qui te le
rembourserai quand je
repasserai."
"
Lequel des trois, à ton avis, "
demanda Jésus au théologien,
s'est montré le
prochain de l'homme qui
était tombé sur les bandits?
" Le théologien répondit: "
C'est celui qui a pratiqué la
bonté envers
lui". Jésus lui dit: " Va et,
toi aussi, fais de même."
(
Évangile de Luc 10. 25 à 37
)
"
Quel est donc le serviteur fidèle
et avisé que le maître a
établi sur les gens de sa maison
pour leur distribuer la nourriture en
temps voulu? Heureux ce serviteur que son
maître, à son arrivée,
trouvera en train de faire son travail! En
vérité je vous le
déclare, il l'établira sur
tous ses biens. Mais si ce serviteur
est mauvais et dit en son coeur: " Mon
maître tarde" et qu'il se mette
à battre ses compagnons de service,
qu'il mange et boive avec les ivrognes, le
maître de ce serviteur arrivera
au jour qu'il n'attend pas
et à l'heure qu'il ne sait pas:
il le chassera et lui fera partager le
sort des hypocrites, là où
seront les pleurs et les grincements de
dents".
(
Évangile de Matthieu 24. 25
à 51 )
"
Jésus disait: " A quoi allons-nous
comparer le Royaume de Dieu ou par quelle
parabole allons-nous le représenter
?
C'est
comme une graine de moutarde: quand on la
sème en terre, elle est la plus
petite de toutes les semences du
monde. Mais quand on l'a
semée, elle monte et devient plus
grande que toutes les plantes
potagères, et elle pousse de
grandes branches si bien que les oiseaux
du ciel peuvent faire leurs nids à
son ombre."
(
Évangile de marc 4. 26 à 29
)
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Le parfait
enseignant
Nos traductions
bibliques et nos usages de vocabulaire ne respectent pas
assez la différence entre deux modes
d'activité par la parole: les paraboles pour
évangéliser et les paraboles pour
enseigner. Par exemple l'homélie au cours de la
messe et la prédication au cours d'un culte
protestant ne sont pas a placer dans la catégorie
" évangélisation". C'est de
l'enseignement et de la formation s'adressant à
des personnes déjà au courant de le
Nouvelle. De même le mot " prêcher" ne
convient pas pour traduire le mot grec signifiant " faire
part de la Nouvelle": Marie de Magdala ne "
prêchait pas aux apôtres, au matin de
Pâques, en criant: la tombe est vide ! (
évangile de Jean 20 . 2 ss). De même,
la nuit de Noël à Bethléem, l'ange de
Dieu n'enseignait pas les bergers: il les renseignait, il
leur donnait connaissance de la Bonne Nouvelle (
évangile Luc 2. 10 à 12 )
Voilà pourquoi le
Nouveau Testament nous montre Jésus tantôt "
évangélisant " à travers tout le
pays tantôt " enseignant " , notamment chaque fois
qu'il prenait à part ses disciples pour les
instruire, les former, leur expliquer le sens des
paraboles et c...
" Avec
autorité ......"
Ce qui frappait les
auditeurs de Jésus c'était surtout
l'autorité avec laquelle il parlait et
enseignait:
"
Quand Jésus eut achevé ses
instructions, les foules restèrent
frappées de son
enseignement. Car il enseignait en
homme qui a autorité et non pas
comme leurs
scribes".
(
Évangile de Matthieu 7. 28-29
)
|
En quoi consistait
et d'où provenait cette autorité
exceptionnelle? En Jésus il ne s'agissait pas
tellement d'éloquence, d'un savoir-faire pour
capter l'attention des auditeurs ou d'un pouvoir de
séduction hypnotisant les gens. Il s'agissait
de tout autre chose: une étrange inspiration qui
permettait à cet homme de rendre à la Tora
( la Parole biblique ) sa simplicité originelle et
sa radicalité subversive, sans vains commentaires
accumulés par les scribes.
Les scribes,
spécialistes bibliques, " docteurs de la loi" et
représentants attitrés de la
vérité religieuse enseignaient probablement
en " coupant les cheveux en quatre" et en distillant un
ennui mortel. Jésus, lui, avait au contraire
quelque chose que les gens voyaient venir de
Dieu. Mais il y avait plus....
Ce " plus ", d'une
extème importance, est décrit abondamment
par tous les documents
évangéliques. Je veux parler de toutes
les guérisons et de toutes les délivrances
que Jésus accomplissait, non seulement pour
authentifier ses paroles mais aussi et surtout pour faire
don de sa compassion et de son amour du
prochain. C'est là que son autorité se
manifestait le plus fortement, remplissant de
stupeur:
"
Il les enseignait le jour du sabbat et ils
étaient frappés de son
enseignement parce que sa parole
était pleine
d'autorité.
Il y
avait dans la synagogue un homme qui avait
un esprit de démon impur. Il
s'écria d'une voix forte: " Ah ! de
quoi te mêles-tu, Jésus de
Nazareth? Tu es venu pour nous
perdre. Je sais qui tu es: tu es le
Saint de Dieu !"
(Évangile
de Luc 4. 31 à 37 )
|
Jésus le
menaça: " Tais-toi
et sors de cet homme ! ",
et jetant
l'homme à terre au milieu d'eux, le démon
sortit de lui sans lui faire aucun mal. Tous furent
saisis d'effroi et ils se disaient les uns aux autres;
" Qu'est-ce
que cette parole ! Il commande avec
autorité et puissance aux esprits impurs,
et ils sortant! ... " Et son renom se propageait en tout
lieu de la région."
" Ne
serait-il pas le Messie ? "
En présence d'un
tel homme, on comprend que les foules galiléennes
se soient posé très vite cette double
question : "
Mais quel est donc cet homme? ! " " Ne serait-il pas le
Messie ?".
Après le miracle
de la multiplication des pains, suivi de l'épisode
de la tempête apaisée, " les
gens étaient saisis d'étonnement et
disaient: " Quel est donc celui-ci pour que même
les vents et la mer lui obéissent
? "
( évangile de
Matthieu 8. 23 à 27 )
Ils avaient même tenté de l'enlever pour le
proclamer roi: en vain, bien sûr...
D'autre part beaucoup se
demandaient si Jésus ne serait pas , en
réalité, le Messie promis par Dieu au
peuple d'Israël. " Messie",
c'est à dire " Christ
" en grec et "
Oint
" en français, tel
était le titre traditionnel donné à
ce Libérateur-Sauveur dont les prophéties
avaient annoncé la venue. Mais Jésus
ne correspondait pas exactement aux textes bibliques
contradictoires au sujet du Messie ni aux images
populaires qui évoluaient.
Homme incomparable mais
inclassable, indéfinissable et
indéchiffrable, Jésus n'avouera
carrément qu'il est le Messie qu'en réponse
aux questions de Caïphe, à quelques heures de
sa mise à mort (
évangile de Matthieu 26. 63 )
Un amour sans
limites.
" Voici
l'homme ! " disait à la
foule le gouverneur romain.
Oui, vous dis-je, cet
homme, ce Jésus est l'homme modèle,
l'exemple à suivre. Pourquoi ? Parce que toute sa
vie, et surtout la fin de sa vie, sur une croix, a
montré en lui un amour sans limites. Je dirai
plus: Jésus a parfaitement été, a
totalement incarné l'Amour sans
limites.
Je viens d'écrire
le mot " Amour" avec un " A " majuscule
afin de bien montrer de quel amour il s'agit. Il
s'agit ici de l'amour de Dieu, au sens où l'entend
le Nouveau Testament. lorsqu'il dit: "
Dieu est
amour". C'est l'amour qui
se donne, se sacrifie, s'oublie soi-même pour le
bien de l'autre, même si cet autre n'est pas
aimable. C'est l'amour qui, loin de chercher
à posséder, veut au contraire donner,
enrichir l'autre, l'élever, le faire grandir, le
guérir en lui apportant sans cesse le pardon dont
il a besoin. Il ne prend pas la vie mais il la
crée et la sauve. Jésus disait: " Il
n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour
ceux qu'on aime". Le Nouveau Testament a un mot grec
pour dire cet amour-là: c'est " agapé " ,
l'amour sans limites.
A l'inverse le mot grec
" éros" ( cf. en français "
érotique" ) désigne la façon d'aimer
qui consiste à désirer ce qui est
désirable, à se l'approprier, à le
mettre au service de nos intérêts
personnels, à en faire une " chose " soumise
à nos exigences égoïstes ou à
nos caprices. Cet amour-là détruit ce
qu'il aime: si j'aime le chocolat passionnément je
vais le détruire en mangeant toute la tablette !
Par contre, ce qui me laisse indifférent ou me
dégoûte, je peux le jeter ou même le
tuer ( par exemple l'ennemi que ma patrie me pousse
à haïr) .
A quiconque veut
connaître Jésus et l'essentiel à son
sujet il faut dire et redire ceci: tout ce que
Jésus a dit et a fait se résume dans "
l'amour agapé ". Il a accueilli les exclus,
touché et guéri les lépreux,
mangé avec les pécheurs notoires,
cherché et sauvé ceux qui étaient
perdus. Dans sa solidarité avec tout homme il
s'est volontairement dépouillé de tout et
s'est abaissé au niveau du serviteur
outragé et supplicié. Voilà
pourquoi sa mort en croix a été le point
culminant de toute sa vie et le comble de cet amour sans
limites qui se refuse à toute violence
meurtrière et à tout pouvoir
dominateur.
Résistant
et subversif.
Beaucoup de
chrétiens n'ont sans doute de Jésus qu'une
image très floue. Récemment une amie
nous disait: " longtemps je n'ai eu de Jésus
qu'une image d'un être
dématérialisé et
inconsistant...."
Or, en lisant bien les
quatre évangiles, on constate vite que, dés
le début de son activité publique,
Jésus a volontairement transgressé les
interdits imposés par les traditions religieuses
des anciens. En particulier il viole sans cesse les
réglementations concernant le repos obligatoire du
sabbat. Froidement, dirai-je, et même parfois
avec une ironique provocation, il ne tient pas compte des
" tabous": non ! on ne l'empêchera pas, le jour du
sabbat ( le samedi ) de guérir, de libérer,
de sauver, d'aimer !
Quand à la
non-violence, si elle est pour beaucoup synonyme de
passivité, de mollesse, d'évasion hors du
réel, voire de lâcheté, qu'on
contemple en Jésus le Résistant par
excellence. Face aux scribes et aux pharisiens qu'il
invective, face aux chefs, aux puissants et aux riches
dont il dénonce l'injustice, face à ses
juges, peut-on ne pas voir ce non-violent faire preuve
d'une force morale inouïe pour tenir tête et
résister?
Sans violence,
sans pouvoir.
Ici je dois
prévenir le lecteur qu'il risque d'être
scandalisé par ce qui suit: la brève mais
radicale présentation d'un Jésus qui se
donne comme modèle à suivre en deux aspects
inséparables de sa morale.
D'une part sa
non-violence radicale, son objection de
conscience absolue à tout ce qui peut nuire
à la vie d'autrui, et très
spécialement à l'ennemi, privé ou
public. Sans la mise en pratique de cette
règle de vie, l'amour sans limites n'est qu'un mot
vide de sens, une abstraction et une théologie
mortifère ! Cette théologie-là reste
aujourd'hui la tradition commune à l'immense
majorité des chrétiens.
Mais, d'autre part,
jésus n'aurait pas pu tenir jusqu'au bout sa
position politique de non-violence réconciliatrice
s'il avait consenti à exercer si peu que ce soit
de pouvoir politique. Celui-ci, en
effet, implique la détention et l'emploi des
armes. Or, quand la foule enthousiaste veut
l'enlever pour lui conférer le pouvoir royal, il
fuit dans la montagne pour être seul, seul avec son
Père des cieux.
Mais que nul ne dise: "
Oui, c'était très bien pour lui mais pas
pour nous ! " Jésus ne voulait pas être
admiré mais être obéi.
Suite :
l'homme
indésirable