RESISTER
A
la perversion de l'obéissance qui vient d'être
décrite, chacun de nous doit résister. Il nous faut tous
apprendre cette résistance-là. Et il nous faut
l'enseigner aux jeunes.Les jeunes chrétiens, en particulier, ont
besoin d'apprendre à désobéir " selon le
Seigneur" en même temps qu'on leur apprend à obéir
" selon le Seigneur". " Heureux
l'adolescent qui sait ne désobéir qu'avec la permission
de Dieu et sur l'ordre de Jésus!". J'invente cette "
béatitude" en ayant à l'esprit l'exemple de Marie Durand,
cette jeune protestante ardéchoise qui, au début du
18° siècle, résistait au Roi Louis XIV, le " Roi
Soleil" persécuteur: dans sa prison, la tour de Constance
à Aigues-Mortes, elle grava dans la pierre de la margelle du
puits le mot " Résister". Elle resta plus de 38 ans dans cette
prison! pour en sortir, pourtant, il suffisait de signer un acte
d'abjuration. Résistance parfaitement non-violente,
celle-là, à l'inverse de la résistance violente et
meurtrière des camisards cévenols.
Je pense aussi au P. Maximilien Kolbe,
détenu dans un camp de concentration nazi. Sa résistance
non-violente aux S.S. a été celle-ci: pour sauver la vie
d'un père de famille qui allait être mis à mort, il
a demandé de prendre sa place. Il a obtenu cet échange
et, enfermé dans sa cellule de condamné à mort, il
y est lentement mort de faim. Admirable résistance par amour du
prochain: " Il n'y a pas de plus grand amour" disait Jésus " que de donner sa vie pour ceux qu'on aime".
Ici, je me permets de mettre en
opposition la résistance non-violente, dont je viens de citer
deux exemples, à la résistance violente, armée et
meurtrière dont le courage est symbolisé par le
général de Gaulle et son appel du 18 juin 1940. J'ai la
liberté d'en parler car j'avais 20 ans cette
année-là.
Devenu très vite "patriote" et " résistant",
il m'a fallu ensuite abandonner cette conception et la remplacer par la
non-violence d'une résistance conforme à celle de
Jésus, le hors-la-loi crucifié.
Maintenant, permettez-moi de
citer avec émotion ces trois jeunes gens, objecteurs de
conscience et réfractaires à la guerre d'Algérie :
Jean Pezet, Eric Pot et Jean Lagrave.
Celui-ci était agnostique. Les deux autres étaient
chrétiens, un catholique et un protestant. Chaque semaine,
j'allais les visiter, en tant " qu'aumônier protestant", à la
Maison d'Arrêt St Michel, à Toulouse. Je leur dois
beaucoup de gratitude car c'est leur témoignage qui a
définitivement changé mes convictions dans le sens de la
non-violence radicale de Jésus.
Prenant part à "
l'Action Civique Non-Violente" du groupe toulousain, je me trouvais,
avec mes amis, devant le Tribunal, place du Salin, lors de chaque
procès d'objecteurs. Chaque fois, les policiers ( un peu
gênés!) venaient " embarquer" quelques-uns des leaders du
"sit-in" ( forme de contestation non-violente consistant à s'asseoir par terre, en groupe, sur un lieu public.)
mais nous avions soutenu et encouragé ces jeunes gens dont
l'avocat Jean-Jacques de Felice disait: " Honneur à vous, les
insoumis qui avez su, par obéissance à des valeurs
essentielles désobéir aux ordres injustes !" (
Préface du livre " Les réfractaires à la guerre
d'Algérie:1959-1963" page 7. éditions Syllepse
novembre 2005)
Ils ont refusé d'obéir:
mais sans violence C'est ce qui rapproche ces
résistants qui, à des époques différentes
ont su dire " Non" à l'injustice: le réformateur allemand
martin Luther, au 16° siècle, face au Pape et à
l'Empereur. Le pasteur baptiste ( le bien nommé!) Martin
Luther King, au 20° siècle aux U.S.A., assassiné
parce qu'il dérangeait trop les puissants. Gandhi, en Inde, face
au pouvoir de l'Empire Britannique, assassiné lui aussi. Nelson
Mandela, en Afrique du Sud, prenant la défense de ses
frères noirs victimes de " l'Apartheid", emprisonné
pendant de longues années....
Mais ces hommes devenus
célèbres ne doivent pas nous cacher et nous faire
oublier ces innombrables désobéissants admirables qui,
dans tous les pays, jeunes ou vieux, ont le courage de résister
au mal. Je pense à ces très jeunes filles auxquelles on
veut imposer le mariage avec un homme bien plus âgé
qu'elles et que, souvent, elles ne connaissent pas. La pression
des parents est parfois tellement forte qu'elles risquent en cas de
refus, d'être tuées par un proche chargé de
rétablir l'honneur de la famille. Honneur à ces
jeunes gens qui ont la force de fuir cet esclavage et de
désobéir jusqu'au bout!
Ils ont refusé d'obéir. ( extraits du journal " Marianne du 27 mars au 2 avril 2010 pages 110 à 113 )
Au nom des valeurs évangéliques, martin Luther King a prôné la désobéissance civile.
Etre capable de dire"
non" quand tout le monde dit " oui", et réciproquement,
n'est pas donné à tous, il faut une belle confiance en
soi. Le plus souvent, la société nous invite
à suivre le chemin de plus grande pente. Comme le disait
un slogan de mai 1968 " Qui sort du moule dérange la foule!". Un
de ceux qui ont éveillé les conscience a
été Luther. Lorsqu'en 1521 il a été
convoqué à la diète de Worms, devant les
représentants de l'empereur et du pape qui lui ont
demandé de se rétracter, il a demandé 24 heure de
réflexion. Au bout de ce temps, il a refusé
d'obéir en faisant appel à sa conscience " captive de la
parole de Dieu".
En élevant sa conscience
contre les autorités civiles et religieuses de son
époque, >Luther a posé l'importance du sujet face aux
autorités.
La protestation de la conscience.
L'écrivain Christian Singer
a relaté sa rencontre avec un ami viennois de quatre-vingts ans
qui avait participé à la résistance en Autriche.
Il racontait que, le jour où Hitler a tenu à
Heldenplatz son fameux discours, toute la population
déferlait vers cette place. Lui seul, jeune homme, montait en
sens inverse la rue pour aller à une réunion de
résistants.Seul à contre-courant de la foule, il se
disait: " Mais tu ne peux pas avoir raison contre tous". Ce n'est pas
possible. Tu ne peux pas seul avoir raison contre tous." Et au fond de
lui, une voix lui disait: " Mais oui, tu peux.".
Depuis la préhistoire, avec
le mimétisme, il y a en général un autre
phénomène social qui lui est associé: c'est
la recherche d'un" bouc émissaire". Celui-ci est
unanimement désigné comme le coupable responsable d'un
malheur qui frappe ou menace la société. Sous le
régime nazi, en Allemagne, le bouc émissaire
était le Juif. Il fallait donc l'éliminer pour conjurer
le mal. En France, aujourd'hui, pour beaucoup, c'est " l'Arabe" qui est
le bouc émissaire; et même pour certains, c'est
l'étranger qui menace notre identité nationale!
Le culte de ces idoles que nous nommons la Patrie, la nation, l'Etat, le Parti et surtout l'Argent, empêche les disciples du Crucifié d'aimer leurs ennemis.
Les chrétiens doivent donc
désobéir à ces faux dieux. Le devoir de
désobéissance, là, est la forme que prend l'amour
du prochain.
Les dix commandements bibliques
nous tracent le chemin d'un saint devoir désobéissance,
à condition de les " filtrer" à la lumière de
l'Evangile ( ex: " tu ne tueras pas").
J'emprunte à René Girard, l'anthropologue français professeur aux U.S.A., les lignes suivantes qui vont au fond des choses:
"
Le dernier commandement du Décalogue ( Exode 20. 27 ): " Tu ne
convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la
femme de ton prochain, ni son serviteur , ni sa servante, ni son boeuf
ni son ane, rien de ce qui est a ton prochain" interdit très
explicitement le désir mimétique... Le dernier
commandement est l'interdit essentiel, celui qui les résume
tous. Si on peut respecter celui-là, les
précédents ne poseront aucun problème: " Tu ne
tueras pas, tu ne commettras pas l'adultère, tu ne voleras
pas,tu ne porteras pas de témoignage mensonger contre ton
prochain."
( René Girard " Les origines de la culture" page 74 éditions Desclée de Brouwer 2004 )
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