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Mazamet 2012
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vus du point de vue biblique à la lumière de Jésus et de son évangile.
1811 :1920-1940. enfance heureuse
18012- 1943-1946. désintoxication 18013- 1944-1945 Mauthausen. 18014-1945-1946 apres-guerre. |
1° POLITIQUE ET GUERRE. 2- 1943-1946. CURE DE DESINTOXICATION Le 19 octobre 1943 au maquis de Tréminis, Isère. - Le jour se levait à peine...
Nous étions quatre dans la baraque que les bûcherons n'occupaient plus: Lescoute, Laroche, Fabre et moi. Bertrand de Luze était descendu au village pour prendre le car de Grenoble. Là, il devait rencontrer notre ami André Girard-Clot, qui nous aidait beaucoup. - Nous dormions à poings fermés.... Un violent coup de pied ouvre brutalement la porte de la baraque et nous arrache au sommeil, au milieu des vociférations en allemand. Des fusils-mitrailleurs sont braqués sur nous, prêts à tirer. Et, derrière eux, des dizaines de soldats que nous discernions à peine, dans l'ombre. Que faire d'autre que lever les bras? ! Ainsi commença notre cure de désintoxication. Pour toujours nous étions privés de nos armes (une carabine et un revolver, en tout et pour tout!). Un sevrage radical, vrai "remède de cheval" pour inaugurer la cure. Et ils étaient plus forts que nous, ces soldats allemands zélés, eux aussi, pour la religion national-patriotique du 3° Reich.... Ce genre de religion politique tue. Pire, à chaque génération, par dessus les frontières, elle offre des milliers de jeunes gens en sacrifice aux dieux de la Cité humaine ( "Moloch", " Mars", "Mammon", l'Argent....). - Ensuite, tout en bas, au village, je nous revois encore, poussés sans ménagements dans les camions qui nous attendent. Déjà arrêtés, il y a des villageois que nous connaissons bien, le garde-champêtre, et les jeunes gens de l'autre maquis qui a perdu l'un des siens dans son bref combat contre les Allemands. La rafle a été d'autant plus complète et facile que la gestapo de Grenoble a été renseignée en détail par un traître, Meuzard, un jeune de ce maquis établi dans un autre secteur de la forêt. Voilà pourquoi les Allemands connaissant l'existence de notre maquis, le maquis dit " des théologiens", y sont venus tout droit. - Ce 19 octobre, en fin d'après-midi nous sommes dans l'immeuble de la Gestapo de Grenoble, cours Berriot. Les gradés allemands nous ont tous réunis et alignés en arc-de cercle, devant eux. Ils passaient devant nous, la cravache dans la botte, le regard méprisant et glacial. A leur tête se trouvait le capitaine, venu de Lyon, organisateur de l'opération, Klaus Barbie, surnommé " le boucher de Lyon", l'homme qui, le 6 avril 1944, fit arrêter quarante-quatre enfants juifs à Izieu ( Ain) et les envoya à la chambre à gaz d'Auschwitz. ( Catherine Chaine " Le voyage sans retour des enfants d'Izieu" éditions Galimard) Quarante trois ans après ce crime contre l'humanité, Barbie sera jugé par la cour d'Assises du Rhône et condamné à la réclusion à perpétuité. Il ne regrettait rien et il ne trouvait rien de mieux qu'à dire: " Je n'ai fait qu'exécuter les ordres de mes supérieurs....Oui, c'est avec cette dureté que j'ai combattu les résistants; mais que voulez-vous, c'était la guerre! ( Télé-France 2 le 10-01-2012) C'est à cet homme-là que nous étions livrés, à sa merci: les jeunes des deux maquis et les villageois de Tréminis qui les aidaient. Sous nos crânes c'était la tempête, le cauchemar.... Je ne me souviens pas d'avoir été, ce jour-là, dominé par de la haine. Mon esprit était trop dominé par la peur, par ce brutal effondrement de nos rêves et de nos illusions, par l'invasion de tant d'émotions diverses et violentes que l'heure n'est pas à l'analyse de ce qui arrive. Mais il y avait une chose que je n'ai jamais pu oublier: je voyais là, n'en croyant pas mes yeux, notre cher André Girard-Clot, marchand de tissus, marié et père de quatre enfants, responsable dans l'Eglise Réformée, ancien combattant de la guerre 14-18 où il avait perdu un oeil, engagé dans la résistance. En le voyant là, aux mains de la Gestapo, j'étais assailli par une pensée obsédante: "Si cet ami est avec moi ce soir, n'est-ce pas de ma faute? n'en suis-je pas en partie responsable? Mes camarades et moi, ne l'avons-nous pas impliqué dans cette aventure et entraîné dans le malheur, lui et les siens? " Déporté à Mauthausen, il y est mort peu de temps après son arrivée. Je me demande si, avec ce patriote admirable, n'est pas morte dans le camp de la mort ma conception nationaliste de la Patrie héritée de nos ancêtres et sacralisée par l'Eglise? Après la période des interrogatoires à Grenoble, nous avons été conduits au camp de Compiègne, point de départ des convois vers les camps de concentration du III° Reich. Or, un jour, de façon imprévue et incompréhensible, un camion militaire est venu chercher les maquisards des deux maquis de Tréminis. Il nous a conduit à Lyon, au fort Monluc, en vue de notre comparution devant le tribunal militaire de la Wermacht. Celle-ci probablement, nous avait réclamés à la Gestapo, afin de nous juger selon les règles ( un avocat militaire plaida en notre faveur) mais son issue ne faisait pas de doute; le 26 novembre, nous avons tous été condamnés à mort au motif suivant: "ont fait fonction de francs-tireurs et entrepris une action de nature à porter préjudice à l'armée allemande; ont prêté leur aide à une puissance étrangère en guerre contre l'Allemagne." Le tribunal n'avait pas fait de différence entre les deux maquis puisque le nôtre, lui aussi, était armé. Comme Barbie le dira plus tard: " Que voulez-vous? C'est la guerre!" Lyon. LA PRISON " MONTLUC" 3. MONTLUC. Le soir du verdict, nous nous sommes retrouvés dans des cellules réservées aux condamnés à mort, dans l'attente de l'exécution. Dans la cellule n° 139 nous étions cinq, les quatre du maquis des" théologiens" et Jacques Casanova, un jeune de l'autre maquis. On a attendu 42 jours, ne sachant
pas quel jour serait le jour fatal. Terrible "Avent" vers ce
Noël-là, en présence de la mort!
Le 23 décembre, en début de journée, nous sursautons en entendant dans le couloir un bruit de bottes qui venait vers nos cellules. Le gardien ouvre la porte. Ce que nous voyons alors c'est le peloton d'exécution, car ces soldats ont le casque sur la tête et le fusil en bandoulière. Ce que nous entendons c'est le Chef qui crie: " Casanova!" Notre camarade devient livide. Il est emmené.... Nous sommes sûrs que nos quatre noms vont suivre... Mais non! Rien! La porte se referme, et ce sont ceux de la cellule voisine qui sont appelés. Nous restons là, sans rien comprendre... C'est le 7 janvier qu'on nous annoncera notre déportation. Pourquoi donc avons-nous fait
exception, nous quatre? A cette question la réponse consiste en
une seule certitude et une totale ignorance pour le reste:" Il est
évident que les étudiants protestants
bénéficièrent d'un non-lieu au niveau du
commandement supérieur de la Wermacht car le Tribunal militaire
de Lyon n'avait pas le droit de procéder à une
exécution sans l'accord du haut Commandement de Paris.
Mais en dehors de cette certitude il n'y a que des suppositions. Il semblerait que parmi ces officiers supérieurs certains étaient en contact avec le milieu protestant... Une autre considération peut être prise en compte: l'avocat allemand qui défendait les théologiens lors du procès s'attribua le mérite de leur relaxe.... Ensuite il est vrai que, contrairement au maquis voisin, les étudiants en théologie n'avaient pas combattu lors de leur arrestation et ne semblaient pas très offensifs"... ( Benjamin Siguier " la Faculté et sa résistance de 1939 à 1945 page 204 ( mémoire de Maîtrise) Enfin de nombreux officiers de la Wermacht étaient membre de " l'Eglise confessante" ( l'Eglise confessante a été un mouvement rapprochant de nombreux chrétiens hostiles à l'idéologie nazie.) et leur intervention aurait pu jouer en faveur des étudiants en théologie". Et Dieu dans tout cela? Dieu qui n'a pas sauvé de la mort en déportation deux de nous quatre: René Lescoute et Joseph Laroche! Pendant les semaines vécues dans la cellule 139, j'ai eu le temps d'entendre la voix de ce Jésus ressuscité dont la présence invisible parmi nous ne faisait pour moi aucun doute. Bien entendu cette voix n'était pas audible; elle faisait vibrer mon tympan. Mais trois ans auparavant, le 16 septembre 1940, je l'aurait suffisamment perçue au tréfonds de ma conscience pour renoncer au professorat et m'engager vers le pastorat. Trois ans après, dans cette prison, je ressentais clairement en moi-même ce que mon Maître me disait:
SUITE: -Mauthausen. 1944 1945 Georges SIGUIER 1920--2016 (Pasteur, Église réformée de France) |
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