Le
droit de tuer et la non-violence.
Je veux parler ici du droit de tuer
que Dieu possède en propre et je veux parler de la
non-violence de Dieu, de Dieu le Père. Cela, on le
verra par la suite, n'est pas sans rapport avec le droit
de tuer que les humains s'octroient, avec la
disponibilité pour la guerre que les
chrétiens s'autorisent, et avec la non-violence du
civisme et de la politique du prophète juif
Jésus de Nazareth.
Avant tout il faut affirmer que
Dieu a le droit de tuer et que lui seul a ce droit, et
qu'il nous appartient de lui reconnaître et de lui
laisser, à lui seul, ce droit divin. Dieu a le
droit de faire mourir parce que lui seul a le pouvoir de
faire vivre, d'appeler à l'existence et de
renouveler à chaque seconde le souffle de vie de
l'être vivant:
"
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et
qui, aprés cela, ne peuvent rien faire
de plus. Craignez plutôt celui
qui, aprés avoir tué, a le
pouvoir de jeter dans la
Géhenne. Oui, je vous le
déclare, c'est celui-là que
vous devez craindre." (
Luc 12. 4 et 5 )
"Le
Dieu qui fait vivre les morts et qui appelle
à l'existence ce qui n'existe
pas"
( Romains 4. 17 )
est le même qui dit:
" Et
bien, maintenant, voyez: c'est moi, rien que
moi, c'est moi qui fais mourir et qui
fait vivre. Quand j'ai
brisé c'est moi qui guéris,
personne ne sauve de ma main. Oui, je
lève ma main vers le ciel et je
déclare: je suis vivant pour toujours
! " (
Deutéronome 32. 39 et 40
)
"
C'est moi, c'est moi qui suis le
Seigneur. En dehors de moi pas de Sauveur
!"
( Esaïe 43. 11
)
|
Pour être en accord avec
cette révélation de la souveraineté
totale, de la " théocratie" unique de son
espèce, donc du droit de faire mourir et de
l'action de " colère" justicière du seul
Dieu vivant, nos concepts philosophiques et
théologiques sont terriblement
inadéquats.
Par exemple affirmer que Dieu est "
pacifiste " n'a pas de sens; affirmer que Dieu est "
militariste" en aurait encore moins ! Dire que
Jésus est " non-violent" au sens d'une
idéologie humaniste, idéaliste ou politique
à la manière de Gandhi, cela n'est pas
exact. Car Jésus pense et agit en fonction de
la pensée de Dieu son
Père.
Il faut bien comprendre que la
position civique et politique de Jésus consiste,
non à nier ou contester la " violence"
répressive et punitive de Dieu mais à
laisser à Dieu seul cette
autorité, cette responsabilité et ce
pouvoir ( dont Dieu use et usera comme et quand il
voudra.)
"
Ne vous vengez pas vous-mêmes, ne vous
faites pas justice vous-mêmes mes bien
aimés, mais laissez à
Dieu le soin d'agir par sa
colère"
écrivait Paul
aux Romains ( 12. 19 )
|
Paul savait très bien que
son Maître n'avait jamais cru que Dieu lui avait
délégué sa divine colère
justicière. jésus avait su,
jusqu'à la croix, "
laisser à Dieu ce qui appartient à
Dieu": ni guerre "
sainte" ni guerre " juste" ni guerre " légitime",
ni guerre " préventive" ne peuvent se
réclamer de lui!
Nos modernes " Césars
chrétiens" devraient le savoir mieux que les
inspirateurs théologiques de la " djihad "
islamiste" !! Quant-aux clercs et aux guides spirituels
de ces " Césars chrétiens" ( de toute
confession ecclésiastique ) ne sont-ils pas
coupables ?
Nota
Bene:
Mais selon Romains 13. 1 à 7
, ne faut-il pas admettre au contraire, que Dieu "
délègue " son droit de faire mourir au
Pouvoir temporel détenteur de l'épée
de justice ? Et même que le magistrat chargé
de cet office redoutable est " serviteur de
Dieu"?
C'est ici la plus grave
objection qui doit être faite à la
thèse de ces textes sur : civisme et
politique.
Il y aura donc lieu de revenir
attentivement sur ce passage célèbre pour
faire face à cette objection.
Limitons-nous ici aux remarques
suivantes:
1° - Paul, ici, veut
détourner les chrétiens de tout civisme qui
serait de la rébellion ou de l'insubordination vis
à vis des autorités civiles.
2°- Et cela même
en raison du civisme d'amour non-violent à
l'égard des ennemis, civisme qu'il vient de leur
prescrire dans les phrases précédentes et
dont reparle la suite 13. 8 et suivants)
3°- Quant aux "
autorités qui exercent le pouvoir" , il s'agit ici
uniquement des magistrats non-chrétiens
préposés par l'État impérial
romain au service du bien commun et de l'ordre
public.
Georges SIGUIER 1920--2016
(Pasteur, Église réformée de France)