Le
civisme pratiqué par les
chrétiens
Continuité ou rupture entre
le christ et les premiers chrétiens
?
L'amour
non-violent.
Les chrétiens du premier siècle,
à Rome par exemple, pratiquaient-ils l'amour
non-violent, et notamment l'amour pour l'ennemi, selon
les promesses et les prescriptions du sermon sur la
montagne ?
Pour tenter de répondre à cette
question, je vais interroger comme document historique la
lettre de Paul aux chrétiens de Rome,
écrite en 57 ou 58 à Corinthe. Dans la
capitale de l'Empire, les petites assemblées de
maison réunissaient ce que nous appellerions
aujourd'hui des " juifs messianiques" ( ou
judeo-chrétiens ) et des "non-juifs messianiques"
( ou pagano-chrétiens; puisque le terme "
païen " ne désigne pas l'incroyant ou le
mécréant mais simplement quiconque n'est
pas fils d'Israël selon la chair, la nature. )
La lettre de l'apôtre montre qu'il y avait des
tensions ( au plan religieux ) entre juifs et non-juifs,
dans l'Église. Dans l'Église y avait-il
aussi des tensions dans le domaine " politique et
civique" quant à la façon de
considérer le Pouvoir impérial et les
magistrats romains et quant à la façon de
se comporter à leur égard en tant que
chrétiens? C'est possible: les juifs, depuis de
longues années, n'avaient-ils pas oscillé
entre le repli " monastique " au désert ( les
Esséniens ), la résistance armée (
les Zélotes ) ou la collaboration avec les
Pouvoirs établis, grecs puis romains ( les
Sadducéens et l'aristocratie du Temple )?
Et de leur coté, les esclaves au travail
à Rome, lorsqu'ils devenaient chrétiens,
avaient peut-être des idées voisines des
idées courageuses de Spartacus: celui-ci,
en 71 avant notre ère avait été le
chef des esclaves révoltés. Pendant
deux ans, à Rome, cet homme qui commandait plus de
cent mille hommes, avait tenu tête aux
légions ! On s'en souvenait !
En tout cas Paul sentait la nécessité
d'instruire ses frères sur la ligne de conduite
civique à tenir pour une morale conforme au Christ
Jésus. Il le fait du chapitre 12 de sa lettre
jusqu'à la fin, parlant tantôt de l'attitude
à avoir entre chrétiens et tantôt de
l'attitude à avoir vis-à-vis de " tous les
hommes", y compris de ces magistrats romains qui sont
établis avec l'autorité de "
l'épée" et du pouvoir de justice et de
coercition ( très énergiques en ce temps et
lieu ! )
Or dans la capitale de l'Empire des années 50
ou 60 , la petite communauté chrétienne se
composait de juifs auxquels s'ajoutaient des non-juifs
venus de partout, Libyens, Nubiens, Asiates, Grecs,
Égyptiens, Ibères, etc.... tous de
condition modeste et sans doute pas mal d'esclaves, et
des gens qui faisaient partie du personnel du palais ( la
maison de César ). La communauté ne se
réunissait pas au grand jour dans une belle
basilique autour d'un archevêque mais dans des
maisons particulières ouvertes aux
assemblées par des chrétiens plus
aisés.
Quelle internationale inédite ! Le racisme, la
xénophobie, l'esprit de clocher ou le "
communautarisme " ne pouvaient pas vivre facilement dans
de telles maisonnées. N'étaient-elles
pas fondées sur l'amour, et l'amour de l'ennemi
?
* * *
L'apôtre, avant de se rendre chez eux, leur
écrit la lettre la plus importante sans doute de
tout le nouveau testament: Jusqu'à la fin du
chapitre 11, il leur expose le contenu de
l'Évangile: nullement une religion
nouvelle mais l'évènement créateur
et libérateur d'une humanité
nouvelle, délivrée de la mort même,
grâce à un seul libérateur: le Messie
juif Jésus crucifié mais
ressuscité. En un autre coin du
monde, au même moment, on dira à juste titre
des chrétiens: " ils disent qu'il y a un autre Roi
que César, un certain Jésus".
Puis, à partir du chapitre 12, Paul expose la "
morale chrétienne" qui découle de
l'Évangile et qui doit caractériser les
relations sociales et civiques des disciples de
Jésus: Aussi bien à l'intérieur de
l'Église que vis-à-vis de tous les hommes
ces relations ne doivent pas être autre chose que
l'Amour.
"
Je vous exhorte donc, frères, par les
compassions de Dieu, à offrir vos
corps comme un sacrifice vivant, saint,
agréable à Dieu, ce qui sera de
votre part un culte
raisonnable.
Ne vous conformez pas au siècle
présent, mais soyez transformés
par le renouvellement de l'intelligence, afin
que vous discerniez quelle est la
volonté de Dieu, ce qui est bon,
agréable et parfait.
Par
la grâce qui m'a été
donnée, je dis à chacun de vous
de n'avoir pas de lui-même une trop
haute opinion, mais de revêtir des
sentiments modestes, selon la mesure de foi
que Dieu a départie à
chacun.
Car,
comme nous avons plusieurs membres dans un
seul corps, et que tous les membres n'ont pas
la même
fonction,
ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous
formons un seul corps en Christ, et nous
sommes tous membres les uns des
autres.
Puisque nous avons des dons
différents, selon la grâce qui
nous a été accordée, que
celui qui a le don de prophétie
l'exerce selon l'analogie de la
foi;
que celui qui est appelé au
ministère s'attache à son
ministère; que celui qui enseigne
s'attache à son
enseignement,
et celui qui exhorte à l'exhortation.
Que celui qui donne le fasse avec
libéralité; que celui qui
préside le fasse avec zèle; que
celui qui pratique la miséricorde le
fasse avec joie.
Que
la charité soit sans hypocrisie. Ayez
le mal en horreur; attachez-vous fortement au
bien.
Par
amour fraternel, soyez pleins d'affection les
uns pour les autres; par honneur, usez de
prévenances
réciproques.
Ayez
du zèle, et non de la paresse. Soyez
fervents d'esprit. Servez le
Seigneur.
Réjouissez-vous
en espérance. Soyez patients dans
l'affliction. Persévérez dans
la
prière.
Pourvoyez
aux besoins des saints. Exercez
l'hospitalité.
Bénissez
ceux qui vous persécutent,
bénissez et ne maudissez
pas.
Réjouissez-vous
avec ceux qui se réjouissent; pleurez
avec ceux qui
pleurent.
Ayez
les mêmes sentiments les uns envers les
autres. N'aspirez pas à ce qui
est élevé, mais laissez-vous
attirer par ce qui est humble. Ne
soyez point sages à vos propres
yeux.
Ne
rendez à personne le mal pour le
mal. Recherchez ce qui est bien
devant tous les
hommes.
S'il est possible, autant que cela
dépend de vous, soyez en paix avec
tous les hommes.
Ne
vous vengez point vous-mêmes,
bien-aimés, mais laissez agir la
colère ( de Dieu ) ; car il est
écrit: A moi la vengeance, à
moi la rétribution, dit le
Seigneur.
Mais
si ton ennemi a faim, donne-lui à
manger; s'il a soif, donne-lui à
boire; car en agissant ainsi, ce sont
des charbons ardents que tu amasseras sur sa
tête.
Ne
te laisse pas vaincre par le mal, mais
surmonte le mal par le
bien."
(
Romains
12
)
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Il
vient....
Georges SIGUIER 1920--2016
(Pasteur, Église réformée de France)