Le
civisme pratiqué par les chrétiens
Continuité ou rupture entre le christ et les
premiers chrétiens ?
Entre
compromis et... compromissions.
Le compromis est un acte positif:: "
arrangement dans lequel on se fait des concessions
mutuelles" par exemple: pas de vrai amour conjugal sans
compromis.
La compromission est un acte
négatif: acte par lequel on transige avec sa
conscience en nuisant à quelqu'un.
La marge est étroite et la confusion très
facile. On peut passer du premier aux secondes sans
même s'en rendre compte, imperceptiblement. C'est
ce qui est arrivé à nos pères dans
ce qu'on appelle parfois la " grande Église "
pagano-chrétienne.
Mais si, dés le 2° siècle, cette
Église a dérivé ( " apostasie " ! )
en sens inverse du civisme prescrit par le Maître
et du civisme pratiqué aux temps apostoliques, le
plus tragique et le plus grave fut ceci:
---1° La lente dérive s'est
installée,
institutionnalisée, fixée
pour deux millénaires ( en occident ) !
---2° Cette dérive catastrophique a
été légitimée et
justifiée théologiquement
!
C'est que les chrétiens des premières
églises savaient que
l'évangélisation du monde ne consistait pas
seulement en paroles et en témoignage verbal mais
aussi en pratique communautaire d'un style de vie
absolument " révolutionnaire", puisqu'il "
jugeait" ce monde en lui donnant l'émouvant
spectacle d'une petite société esquissant
déjà le Royaume de Dieu. Une
société d'ailleurs sans " chefs"
hauts-placés et privilégiés, une
société où tous sont des "
laïques " et jamais des " clercs".
Mais, pour pratiquer ce civisme-là et ses
vertus, il était nécessaire de comprendre
que le civisme chrétien et le civisme
d'État étaient incompatibles, et,
dés lors, qu'il fallait "
rendre à Dieu ce qui appartient à
Dieu" et " laisser à César ce que
César revendique pour lui", notamment le droit et
le pouvoir de l'épée.
Sur ce dernier point je vais me permettre d'insister
un peu. En effet c'est la théologie qui sert
de base à l'institution, comme se sont toujours
des idées qui expliquent et déterminent des
actions... Si donc, il y a eu déformation
durable du civisme chrétien, c'est qu'il y a eu,
au départ, de la déformation
théologique et de l'erreur
exégétique dans la compréhension des
textes du Nouveau Testament.
Chercher un peu la genèse possible de telles
erreurs me paraît important, même si la force
terrible des idées reçues pèse de
tout son poids sur les biblistes eux-mêmes.
Plusieurs de mes collègues m'y invitent d'ailleurs
en objectant à mes propos sur " civisme et
politique " l'argument classique: " que fais-tu donc de
l'enseignement de Romains Chapitre 13 ? " L'enjeu est
grave !
:" Que tout homme soit
soumis aux autorités qui exercent le
pouvoir" ( Romains 13. 1 )
La question est posée: l'étude dans les
pages qui suivent...
Georges SIGUIER 1920--2016
(Pasteur, Église réformée de France)