Introduction
Graves questions
En tête de ces textes l'image illustre le
rapprochement entre un édifice consacré au
culte chrétien et le drapeau tricolore, symbole de
la patrie, de la nation et de la politique du peuple
français.
Ce rapprochement suggère et suppose un accord,
une harmonie, en tout cas une connivence, entre religion
et politique, entre le culte chrétien et
l'idéologie politique de la cité, entre une
Eglise établie ( et reconnue par les pouvoirs
publics ) et les autorités civiles. Au fil des
siècles et à travers le monde, un tel
accord a connu de multiples variantes: depuis la
domination hégémonique de l'Eglise romaine
sur la société occidentale jusqu'aux
diverses formes de concordats et d'arrangements à
l'amiable, jusqu'à la laïcité à
la française ou la religion civile à
l'américaine ( U.S.A. de Georges W. Bush). En
général, Dieu et César font bon
ménage, même si l'histoire du couple est
souvent tumultueuse. N'a-t-on pas vu l'Eglise
orthodoxe prêter main forte à Staline, son
persécuteur, lorsqu'il fallu galvaniser le
patriotisme de la " Sainte Russie " pour vaincre les
envahisseurs allemands et nazis?
L'État juif, de son coté, fait voisiner
sans problème la " ménorah" ( le chandelier
à sept branches qui évoque Adonaï
Yahvé, le Seigneur d'Israël ) et le drapeau
israélien avec son étoile de David.
Quant à l'Islam c'est le fondement de la
révélation à Mahomet qu'il se veut "
religion civile", c'est à dire une
société civile inséparable de la
religion et liée à elle en tous domaines de
la vie.
Je me pose donc, et je pose au lecteur les graves
questions suivantes: ce rapprochement entre le Dieu
Vivant, et Saint, et les divinités de la Patrie,
de la Nation, des Puissances et des Autorités
est-il une bienfaisante harmonie ou est-il une
allégeance désastreuse ? Est-il une
heureuse entente réciproque ou bien une mixture
idolâtre qui, notamment en ce qui concerne le Dieu
de Jésus-Christ, trahit l'Évangile en
prétendant unir Jésus et César,
alors que la croix du Messie proclame que Jésus et
César sont inconciliables? Nos monuments aux morts
avec leur liturgies et nos Eglise officielles avec les
bannières étoilées ou tricolores
sont-ils de merveilleux " lieux sacrés" ou bien de
ces " hauts lieux" impurs et impies où, selon
l'Ancien Testament déjà, on prétend
mettre ensemble le Seigneur Dieu et ses rivaux qu'il veut
et va éliminer ?
Rappel
Permettez- moi de rappeler que ces textes sont
toujours pensés " en vue du monde
nouveau" que seule, la foi en Jésus de
Nazareth permet de croire. En dehors de cet avenir
promis au monde par l'Évangile ( le " royaume de
Dieu"), et pour quiconque tient à en faire
abstraction et à ne pas en tenir compte, les
réflexions qui suivent paraîtront
irrationnelles, absurdes et même très
dangereuses.
J'ose donc inviter le lecteur à un effort de
compréhension pour cette étrange vision
d'avenir liée au nom de Jésus le
Christ. Le croyant en particulier, en sortira moins
conformiste et mieux disposé à abandonner
des préjugés et des " idées
reçues " dans son Eglise.
Grands ensembles.
Les textes précédents ( sur "le
civisme du chrétien" ) se plaçait surtout
au plan individuel et traçait une ligne de
conduite pour la personne qui veut suivre le Christ dans
le domaine du politique et du service de la
cité. Ici au contraire, notre recherche
portera sur ce qui est collectif; il s'agira de ces "
grands ensembles " humains que sont l'humanité, le
peuple d'Israël, l'Eglise....et le Royaume de Dieu.
Nous passerons ainsi de l'individuel au collectif, du
plan personnel au plan social et communautaire.
Cela ne veut pas dire que chacun de nous pourra
éviter de se voir personnellement concerné
!
La Bonne Nouvelle (" l'Évangile") et la
Nouveauté inouïe par elle annoncée (
le " Règne de Dieu qui vient" ) est ceci:
Le seul avenir du monde et le seul avenir de chaque
être humain, vivant ou mort, est l'arrivée
soudaine du Grand Jour du Dieu d' Israël et le
Dévoilement triomphal, universel et
miséricordieux, de ce " Roi des juifs"
crucifié mais ressuscité pour tous.
Y aurait-il plus fort optimisme que l'espérance
totale en cet avenir-là? Et oserait-on taxer
de pessimiste illuminé quiconque sait et
possède cette Espérance?
Mais, pour bien saisir et communiquer celle-çi,
ne faut-il pas décourager tous les optimismes
illusoires qui, comme on dit, " font croire au
père Noël", prêchent la foi en l'homme,
distillent " l'opium du peuple" infantilisant, et
détournant de cet " amour de l'avènement de
Jésus" qui caractérise le chrétien,
selon ( 2 Timotée 4. 8.)
Georges SIGUIER 1920--2016
(Pasteur, Église réformée de France)