3° Georges W. Bush et la
guerre juste.
Sautant par dessus quinze siècles
arrêtons-nous maintenant à
l'actualité et constatons ceci:
La Chrétienté, cette perversion de
l'Eglise, n'est pas morte, elle sévit toujours.
Son système de théologie politique est
toujours là, vivace, avec sa séculaire et
monumentale hérésie.
Et les comportements qu'engendre cette
idéologie politico-religieuse sèment la
violence meurtrière à l'échelle de
la planète.
Mais si le nom de l'actuel président des U.S.A.
est placé en titre de ces pages ce n'est pas pour
attaquer sa personne. C'est parce que ce nom, de
l'aveu même de celui qui le porte, incarne en
quelque sorte de façon emblématique la
volonté chrétienne d'unir correctement la
politique et la religion, le "temporel" et le "
spirituel".
Au Moyen Age, lorsque se répand dans toute
l'Europe la Chrétienté triomphante, la
distinction entre religion et politique n'a pas de
sens. Au sommet de la société papes et
rois s'unissent pour conserver le pouvoir ou rivalisent
pour l'accaparer. Avant qu'émerge l'idée
d'une séparation de l'Eglise et de l'Etat,
l'histoire de l'Occident est, jusqu'au XVIII °
siècle, celle de la confusion des
pouvoirs. Nous sommes dans un monde
où tout est religieux.
Mais on se tromperait si on voyait dans les grands
mouvements réformateurs du XVI° siècle
un abandon du système de Chrétienté
et de ses confusions théologiques. Bien au
contraire ! En réalité ni Luther ni Calvin
ni Zwingli ni Knox, et encore moins la réforme
imposée en Angleterre par Henri VIII, n'ont
répudié les vieux principes de l'amalgame
"nécessaire" entre l'Eglise et la
société civile, de la " légitime"
coopération entre les Pouvoirs politiques et les
guides spirituels des chrétiens, et de la "
légitimité" chrétienne des guerres
"justes". Pour être bref, je ne citerai que deux
faits: d'une part Luther coopérant activement avec
les Princes pour édifier des " landers"
protestants, encourageant la répression
sanglante de la révolte des paysans et
tenant des propos antisémites dont les
luthériens ont honte aujourd'hui ( surtout
aprés l'usage qu'en a fait Adolf Hiler ! ) et
faisant brûler Michel Servet déjà
excommunié comme " hérétique" par
l'inquisition romaine.
La chrétienté continuait de plus belle
dans les consciences chrétiennes et dans les
crimes " politico-religieux des protestants
européens.
Il faut savoir cela si on veut comprendre les U.S.A.
d'aujourd'hui et le système de pensée des
chrétiens américains qui ont porté
à la présidence pour la seconde fois,
l'évangélique Georges W. Busch.
Celui-ci, du point de vue biblique et théologique,
raisonne exactement de la même manière que
les milliers de protestants et de catholiques des U.S.A..
Ils ont tous dans la tête les confusions
théologiques que les " pères fondateurs",
aux origines de la nation, véhiculaient d'Europe
vers la côte est de l'Amérique: les
mêmes amalgames et les mêmes accords
impossibles entre Jésus et César que
les Espagnols avaient auparavant importés en
Amérique du sud à partir de la "
découverte" de Christophe Colomb.
On retrouve, toujours et partout , le même
rêve de conquête et de croisade pour
transformer les sociétés humaines en
esquisses du " Royaume de Dieu",la même
légitimation par les clercs d'une doctrine de
la guerre juste ( gesta Dei per Francos"=les exploits
de Dieu par le moyen des Francs" !!, la même
volonté de Puissance au service du " bien",
la même sacralisation des Chefs, le même
nationalisme et le même culte de la " Patrie"
humaine... le tout mélangé avec l'Evangile
du crucifié ( assassiné par les " Pouvoirs,
les Autorités, les Dominations", selon le Nouveau
Testament)
Cette hérésie constantinienne qui
perdure et se mondialise aveugle les chrétiens et
leurs chefs, et, hélas, continuera d'agir et de
sévir jusqu'au dévoilement soudain du vrai
chef mondial ressuscité d'entre les morts et
élevé par le vrai Dieu, le " Dieu
d'Abraham, d'Isaac et d'Israël".
Mais qu'on ne se trompe pas ! Je tiens à redire
une chose qu'il me faut dire à propos du
président américain comme aussi à
propos de ces Chefs d'Etat , Jean Paul II et Benoit XVI:
Il ne faut ni juger ni condamner les personnes,
même s'il faut qualifier "d'apostasie" ( =
éloignement hors de la vérité ) les
doctrines chrétiennes que ces personnes incarnent
et symbolisent sous les yeux de la
planète. Ce sont les théologie
politiques qu'il y a lieu d'incriminer, laissant
à Dieu lui-même la responsabilité de
connaître réellement et de juger justement
ce que ces grands hommes ont dans le coeur et au
tréfonds de leur conscience, devant Lui.
C'est Jésus et ce sont ses apôtres qui
enseignent aux chrétiens cet esprit de respect, ce
refus d'insubordination et de rébellion, cette
non-violence et cette non-médisance, cette
soumission aux lois justes " par motif de conscience" (
Romains 12. 13.14. et c.)
C'est dans ce sens que le chrétien est
exhorté à prier pour les magistrats qui
sont préposés au service du bien, que ces
magistrats soient chrétiens ou non. C'est "
pour que les gens aient une existence paisible et
tranquille" ( 1 Timothée 2.2 )
Mais si l'Etat veut m'obliger à être
disponible entre ses mains pour l'assassinat "
légal" de soldats ennemis je dois lui opposer une
désobéissance catégorique au nom de
mon Chef qui m'ordonne d'aimer mes
ennemis.
Cependant si on peut établir une différence
de culpabilité dans le péché
collectif, j'ose avancer que la culpabilité des
Chefs chrétiens est bien plus grave que la
culpabilité des Chefs non
chrétiens. Au sujet de ceux-ci on ne peut pas
parler "d'apostasie" puisqu'ils ne se réclament
pas de Jésus et ne prient pas son Dieu et
Père. Aprés tout Pol Pot, le
génocidaire du Cambodge, ou Ben Laden
lançant la "guerre sainte" , ou Saddam d'Irak ne
prétendaient pas suivre le Sermon sur la montagne
!
Par contre les prédicateurs protestants et
catholiques des U.S.A. unissent la bannière
étoilée et la croix du Christ Jésus
et inspirent la pensée spirituelle
chrétienne des Chefs de la Nation. Certes, on
a tendance à mettre en vedette ces
télé-évangélistes de l'aile
conservatrice du parti républicain ( Jerry Falwel,
Pat Robertson et c.) qui grâce aux média,
rassemblent des millions d'adeptes, héritiers des
grands "Réveils" du passé.
Mais c'est quotidiennement, par la
catéchèse et l'enseignement des ministres
de la Parole, qu'est diffusé par toutes les
églises chrétiennes cette "
théologie de chrétienté" qui
unit le culte de Dieu et le culte de la Nation depuis les
pères fondateurs des U.S.A. Il en est de
même à l'école où les petits
américains sont chaque matin, par la reprise du
" serment d'allégeance", rendus
psychologiquement disponibles pour unir dans leur coeur,
indissolublement, le service de Dieu et le service de la
Patrie. avec bien entendu, la foi aux " guerres
justes" et la fierté d'y prendre part !
"
Prétention d'être, en quelque
sorte, gardien de la santé morale du
monde ! Non seulement Dieu a manifestement
confié aux U.S.A. la destinée
de s'étendre à ses quatre
frontières naturelles mais il
était surement d'accord que d'autres
pays passent sous sa protection, dans la
mesure où ceux-ci ne connaissent pas
encore les grandes valeurs de la
démocratie, voire du christianisme
civilisateur"
( Donna Singles-
Golias n° 98)
|
C'est très exactement la théologie
politique de Constantin le Grand et de Clovis, celle des
évêques de Nicée et de
l'évêque Rémi à Reims !
Mais maintenant une horreur qui est en cours, et
qui se mondialise !
Georges SIGUIER 1920--2016
(Pasteur, Église réformée de France)