- Qu'est ce que l'Évangile,
d'après les quatre " évangiles" de notre
Bible , Si pour répondre à cette question,
on veut utiliser à tout prix les termes de "
doctrine" ou de " théologie", je dirai ceci: la
théologie de Jésus et la doctrine de ses
apôtres sont avant tout une proclamation, une
annonce, une nouvelle inouïe, un " kérygme"
crié par un crieur public. ( l'annonce d'un
événement).
L'exemple le plus clair est ce "faire-part"
communiqué aux bergers de Bethléem par les
anges, c'est à dire Dieu lui-même:
" Aujourd'hui,
dans la ville de David, est né pour
vous un sauveur: c'est le Messie, le
Seigneur !"
( Luc 2. 10à 12
)
|
Dés qu'il a quitté Nazareth pour remplir
sa mission de " héraut" du Seigneur Dieu, quelle
est la proclamation publique de Jésus .
Il annonce, non pas un "credo" mais ceci:
" Le Royaume
de Dieu est proche ! Repentez-vous (
revenez à Dieu) et croyez à
cette bonne nouvelle, ( à cet
Évangile)"
|
Telle est sa théologie fondamentale.
Mais le Dieu dont il parle et dont il annonce le
règne imminent n'est pas n'importe quelle
divinité suprême mais le Roi d'Israël
et de Sion, le " Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob", le
Dieu de David et des prophètes, le Dieu de
Moïse, le Dieu des Juifs.
Mais deux précisions, ici, sont
indispensables.
D'abord,soulignons le contenu politique
de cet Évangile. Parler de "
règne", de " royaume", de " royauté" et de
" roi" c'est parler de politique, c'est à dire de
cette dimension horizontale et terrestre de l'existence
humaine qui, concerne la société, son
organisation, son mode de gouvernement, et c ..;La Bonne
Nouvelle n'est pas le moyen utilisé par
Jésus pour créer une nouvelle religion ou
pour réformer le judaïsme ! C'est l'annonce
d'un événement divin, proche, qui va
réaliser les promesses prophétiques:
l'avènement d'un monde nouveau et
d'un ordre politique radicalement
inédit ( la vraie "théocratie" de
l'amour divin) sur une terre et pour des humains
métamorphosés.
C'est le Royaume de Dieu, d'un étrange
Roi !
En second lieu, il faut bien comprendre que
L'Évangile n'est pas un "dogme" ou un
"credo"
Qu'est-ce donc qu'un "dogme",d'après les
dictionnaires, Le mot vient du grec " dogma" qui veut
simplement dire " opinion". Le petit Larousse
dit: " Point fondamental de doctrine en religion ou
en philosophie". Le petit Robert
dit:" Point de doctrine établi, ou
regardé comme une vérité
incontestable, fondamentale, dans une religion, une
école philosophique". Et le
Dictionnaire philosophique d'André
Comte-Sponville montre bien qu'il s'agit-là non
pas du domaine d'événements historiques
mais du domaine de la Vérité:" le
dogme est une vérité qui s'impose, ou qu'on
prétend imposer aux autres. Se distingue en
cela de l'évidence ( qui s'impose
d'elle-même)...."
Or l'Évangile ne saurait être une
Vérité philosophique ou religieuse qui
s'imposerait d'elle-même et qu'on pourrait imposer
de façon contraignante! C'est une
prophétie,celle d'un événement
historique annoncé qui ne fait appel qu'a la foi
("croyez"!)..; hors de tout " dogmatisme" ! C'est
l'humilité et la fragilité du
Crucifié.
Et ce n'est pas davantage un "credo" ( même si
ce Credo suit l'essentiel des faits rapportés par
le Nouveau Testament). Le mot " credo" signifie " Je
crois". Par conséquent c'est une
démarche subjective, un
témoignage personnel ou collectif qui exprime des
certitudes et des croyances. Ces formulations peuvent
être récitées ou
répétées ou apprises par coeur sans
correspondre nécessairement à une
foi-confiance réelle !
A l'inverse, si on veut savoir quelle était la
proclamation criée par Jésus de Nazareth et
quelle était l'annonce faite aux juifs et aux
non-juifs par Simon-Pierre, Jean le fils de
Zébédée ou Saul de Tarse, on lira
les évangiles et le livre des Actes. On
trouvera aisément, qu'on soit croyant ou simple
historien curieux, une réponse "
objective", je veux dire, consignée dans
des textes écrits. Pour celui qui, à cette
lecture, " croira" à l'Évangile, ce sera
dés lors une "autorité extérieure"
à lui-même, qu'il ne reconnaîtra comme
vraie et bonne que par la douce et fragile persuasion du
Saint Esprit.
Sans contrainte! Selon la volonté de
Jésus !
Cela paraît encore plus clair si on ne perd pas de
vue ceci: l'Evangile n'est devenu complet et
définitif qu'après la mort, la
résurrection et l'ascension de
Jésus. C'est l'Évangile
prêché par les apôtres qui a rendu
intégral et total l'Évangile
prêché par Jésus le
galiléen.
Le plein Évangile à
annoncer au monde entier se compose de deux parties:
La première est ce que Jésus
lui-même annonçait depuis son baptême
jusqu'à sa mort, c'est à dire le message de
l'arrivée proche du règne de
Dieu.
La deuxième est ce que les apôtres
annonçaient au sujet de Jésus, à
savoir les faits historique concernant Jésus: sa
crucifixion, sa résurrection, son
élévation comme Roi et Seigneur
et... son ultime avènement promis.
Ces deux parties ensemble constituent ce Message de
salut qui n'est pas une série de dogmes mais la
Parole de " Celui qui
était, qui est et qui vient".
Voilà pourquoi,
incidemment, il nous faut dire qu'au Repas du Seigneur
c'est Jésus en personne qui nous unit et nullement
des doctrines théologiques au sujet de
Jésus!
Nous pouvons maintenant, par quelques remarques et
questions, indiquer comment s'est produite cette
dérive théologique qui a substitué
des dogmes à l'Évangile, entre le 1°
siècle et le 4°
siècle. Dérapage progressif vers le
système dogmatique de "
chrétienté". Dépistons-le en
relisant le " symbole des apôtres" et le credo de "
Nicée-Constantinople".
Georges SIGUIER 1920--2016
(Pasteur, Église réformée de France)