La dérive vers la religion.
( suite )
Progressivement,L'Eglise de Jésus est
passée d'un réseau de petites
assemblées laïques, autonomes,
charismatiques, mais très solidaires, à un
système ecclésiastique clérical,
pyramidal et multitudiniste.
Ce fut une régression vers la " religion" et un
retour en force du " sacré" naturel à tous
les peuples.
La naissance et le développement de la notion
de " sacrement" en a été un
élément déterminant.
La dérive religieuse vers la "
chrétienté".
Ici, le temps me manque pour les précisions et
l'approfondissement que le lecteur trouvera au
début de ce site : " le
civisme de Jésus" et
"la
politique du Messie". Le Nouveau
Testament, éclairé de mieux en mieux par
les recherches des biblistes et des historiens, nous
force à dire ceci:
Jésus, laïque, et
témoin de la laïcité du Père,
n'a pas voulu ( et n'a pas)
créé une " religion
chrétienne", avec dogmes, rites, clergé et
c...
Jusqu'au milieu du 2 ° siècle environ,
fidèle aux volontés des apôtres et
aux inspirations de l'Esprit Saint, la
communauté messianique de Jésus
consistait en petites mais très nombreuses
assemblées autonomes, autogérées,
laïques, charismatiques mais très solidaires
dans la pratique de l'amour fraternel, mais aussi
toujours fragiles.
A partir du milieu du second siècle s'est
amorcé une régression, un
éloignement désastreux, écartant les
fidèles de ce que le Saint Esprit avait
donné et voulu lors de "
l'amour du début" (
Apocalypse 2. 4). Le " sacré " se mit
à revenir en force, peu à peu,
restaurant personnes sacrées, rites
sacrés, pouvoirs sacerdotaux, hiérarchies,
cléricalisme, liturgies, dogmes sacrés,
sacrements, et c... Catastrophe !
Avec son paroxysme dans le système papal du
21° siècle.
"L'assemblée
cultuelle ( du début )
culmine dans un acte qui est
l'événement le plus banal: le
repas; le repas où l'on mange
réellement les un avec les
autres. Ce qui est " cultuel au plus
haut point est donc aussi éminemment
non-cultuel,
quotidien: volonté de supprimer
l'opposition entre le profane et le
sacré, entre la communion du dimanche
et la réalité des autres
jours.
On a donc le droit de dire que "
l'Ecclesia" du Nouveau Testament
n'admet pas cette
opposition entre le profane et le
sacré, qui est la règle dans
toutes les religions. Au contraire, elle
la supprime dans l'acte même qui
constitue le centre de son
culte. La vie toute
entière du chrétien est un
culte...."
Emile Brunner " le malentendu de L'Eglise"
pages 78 à 81
N.B:La même chose doit être
dites à propos de la
différenciation entre "
laïcs et " clercs".
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Le sacré déforme
définitivement
L'Eglise.
Par un processus lent et continu, L'Eglise des
non-juifs subit, au plan " religieux", une telle
déformation qu'il faut réellement parler
d'une subversion de la communauté de
Jésus.
Historiquement on a assisté à une
dérive d'abord à la naissance d'un "
pré-catholicisme", puis au
développement de "l'ancienne
L'Eglise catholique", enfin au Moyen Âge et
jusqu'à présent, à la formation et
à l'épanouissement de la " nouvelle
L'Eglise catholique" à la fois romaine et
papale. Mais voici les éléments
essentiels de cette évolution, repérable
dés les premiers siècles:
- Au lieu de rester, purement et simplement une
communion de personnes, L'Eglise devient
avant tout une institution, de plus en plus
juridique.
- De ce fait, le Repas du Seigneur
devient un rite sacré qui donne le salut et " fait
venir" le Seigneur sur un " autel" sacré, en vue
d'un " sacrifice" offert à Dieu, grâce
à un "prêtre " sacré.
- La pluralité des communautés
domestiques disparaît et laisse la place à
une collectivité qui a besoin, pour assurer sa
cohésion d'un seul " ancien"
défini comme seul compétent pour maintenir
l'ordre et pour bien représenter la " religion
chrétienne": "
l'évêque".
- Puisque l'eucharistie a acquis le pouvoir de
sauver, la distinction est nécessaire entre ceux
qui la donnent et ceux qui la
reçoivent. Ainsi s'établit la
différence entre prêtres et laïcs,
entre un " clergé" et
un " laïcat":
distinction que le Seigneur, l'unique Grand Prêtre
avait aboli par son sacrifice !
L'évêque devient le détenteur de
l'autorité apostolique, le successeur des
apôtres et le sommet de la hiérarchie
à trois étages: l'épiscopat,
le presbytéral et le diaconat. Les temps modernes
verront l'édifice institutionnel couronné
et coiffé par une sorte de quatrième et
suprême pouvoir religieux: l'évêque de
Rome, le Pape.
- Au plan doctrinal, l'apparition et le
développement du concept de " sacrement" (
sept pour les catholiques et deux pour les protestants !
)se font très tôt et très vite, en
même temps que la marche vers "l'épiscopat
monarchique": le Dieu de Jésus devient un monarque
féodal, un super-César !
- Finalement, le dogme de
l'infaillibilité pontificale ( 1871 )
décrète l'impossibilité totale de
revenir en arrière et de réformer les bases
mêmes de l'Eglise-institution, dogmatique et
totalitaire. Le concile Vatican II n'y a rien
changé.
Le dérapage et la dérive pouvaient se voir
dés la fin du 1° siècle :
Clément écrivait de Rome une lettre aux
Corinthiens, comme Paul l'avait fait. Mais
Clément affirmait le " droit"
conféré à l'Ancien, par sa fonction
même de " dirigeant". Alors que Paul voyait le
Saint Esprit derrière la " qualification" et
l'esprit de service d'un humble serviteur ( 1 Corinthiens
16.16 )
" Sitôt que
l'Évangile se répandait en
dehors des milieux juifs il courait le risque
d'être réduit à une sorte
de "religion de mystère"..... A
l'attente du Règne de Dieu se
substituait l'ascension de l'homme vers
l'immortalité.... L'Évangile
se trouvait réduit à
un système de salut
centré sur
l'homme...."
Théo Preiss: " la vie en Christ"
pages 44 et 45
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Ignace
d'Antioche.
Probablement en l'année 117,
l'évêque d'Antioche, Ignace,
emprisonné et condamné à mort lors
d'une persécution, fut emmené à Rome
pour y être livré aux bêtes.
En route, il écrivit sept lettres. Leur
contenu montre nettement qu'Ignace, déjà,
préconise et pratique " l'épiscopat
monarchique" ( c'est à dire:
l'évêque, seul, au-dessus des autres
"anciens".) Elles montrent aussi une amorce de la
dérive de L'Eglise vers une " religion de salut
individuel: cette religion domine toujours L'Eglise.
Georges SIGUIER 1920--2016
(Pasteur, Église réformée de France)