La
dérive Politique
Dans l'Église
pagano-chrétienne, dès les
premiers siècles, on a
abandonné la politique du " Royaume
qui vient" et le "civisme du Roi" . A
leur place les chrétiens ont choisi de
pratiquer la politique de ce
monde, avec la prédominance des riches
et des chefs
sacralisés. Dès lors,
leurs assemblées de culte ont
été dominées par le
pouvoir des "clercs". Dès lors,
aussi, a été rendu impossible
l'obéissance à l'ordre
fondamental de Jésus: " Aimez vos
ennemis" .D'où: les divisions
ecclésiales et guerres "saintes", ou "
justifiées".!
" Il a
été dit aux anciens: tu aimeras
ton prochain et tu haïras ton
ennemi. Et MOI je vous
dis: aimez vos
ennemis....."
Évangile de Matthieu chapitre 5. 43
et 44
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Citation
La charte spirituelle du
Templier
" Le soldat qui revêt en
même temps son âme de la cuirasse de la foi
et son corps d'une cuirasse de fer est forcément
intrépide et sûr de lui, ne craignant, sous
sa double armure, ni homme ni démon. Loin de
redouter la mort, il la désire (...). Les
soldats du Christ n'ont pas à craindre d'offenser
Dieu en tuant un ennemi, et, s'ils sont tués, ils
ne courent aucun danger, puisque c'est pour Jésus
qu'ils donnent ou reçoivent le coup mortel.(
....). Ce n'est pas pour rien que le chevalier du
Christ porte l'épée: il est ministre de
Dieu et la reçue pour exécuter ses
vengeances, en punissant ceux qui font le mal et en
soutenant ceux qui font le bien. Bien sûr, si
l'on pouvait empêcher par un autre moyen que la
mort les païens d'insulter et d'opprimer les
fidèles, il voudrait mieux ne pas tous les tuer;
mais pour le moment, il est préférable de
les mettre à mort que de les laisser vivre et
porter la main sur les justes."
Cette citation est tirée de " A la louange de
la milice nouvelle", texte de Bernard de Clairvaux
( " Saint Bernard" -1090-1153) qui prêcha
la 2° croisade. A cette époque fut
fondé l'ordre des Templiers, ces moines soldats
chargés de protéger les pèlerins en
route vers Jérusalem. Leur cape était
ornée d'une grande croix.
Deux siècles plus tard, le Maître de
l'Ordre Jacques de Molay est à la tête de
15000 hommes et dirige une puissance financière
dont les revenus sont supérieurs à ceux du
domaine royal français.
Le 13 mars 1314, sur le parvis de Notre Dame de Paris,
Jacques de Molay est brûlé vif sur l'ordre
de Philippe le Bel. Le roi de France, face au
Pouvoir du Pape, veut ainsi affirmer son propre Pouvoir
souverain.
Régression
religieuse..... et
politique
Au 2°,3°, et 4° siècles,
l'Église de Jésus souffre d'une
désastreuse régression, d'un retour en
arrière qui ira en s'aggravant à partir du
"tournant constantinien" lorsque la " religion
chrétienne" sera religion d'État.
Double régression: d'une part un retour
à la " théocratie" de la première
alliance (on " recoud le voile du Temple" détruit
par la crucifixion du Messie: le " sacerdoce" par
exemple) et d'autre part on en revient aux croyances et
aux pratiques de ce " sacré" qui est
présent dans toutes les sociétés
humaines, archaïques et modernes. Dans le
récent réveil qui dans les années
1970 , a pris le nom de " Renouveau Charismatique", nous
avons assisté à ce réveil en force
des croyances venues d'un lointain passé ( culte
de Marie, adulation du Pape, cléricalisme et c
...) et de pratiques sacrales ( chapelet, contemplation
du Saint Sacrement,apparitions " surnaturelles",
pèlerinages et c ...)Mais la régression
religieuse se mêlait à tant de ferveur, de
louange, de changements de vie, d'unité
fraternelle très authentiques que chacun se
laisser fasciner et séduire par ce mélange
de bon et de mauvais !
Mais on ne prête pas assez attention à la
régression sur le plan politique et
civique. Là aussi pourtant, les choses sont
liées; et politique et religion vont ensemble.
Ce n'est pas par hasard que le conservatisme politique
emboîte le pas du conservatisme religieux. Et
ce sont souvent les mêmes personnes qu'on retrouve
à la fois parmi les " légionnaires du Pape"
et dans les diverses mouvances de la droite
politique.
S'éloigner de la "pensée du Christ", en
politique, est d'autant plus facile que le sacré
et le religieux ne sont jamais absent de la vie politique
dans la cité humaine et dans les Pouvoirs qui s'y
exercent :les cérémonies à
l'Arc-de-Triomphe à Paris,au Panthéon ou au
mont Valérien, ou bien les commémorations
patriotiques à grand renfort de drapeaux
tricolores, ou bien les défilés militaires
du 14 juillet, ou bien les discours de la mystique
nationale avec les poses convenues de ceux qui les
prononcent comme des homélies, le culte du Grand
Chef " charismatique", et c ... tout ce " sacré"
n'a de " laïque" que les apparences.
Qui voit, parmi les chrétiens, que c'est en
lui-même, par nature, que
tout Pouvoir politique établi ou
toute Puissance militaire est " anti-christique" et "
démoniaque" ( qu'ils soient dictatoriaux ou
démocratiques !) ? Depuis 60 ans, à cet
égard, les prédicateurs protestants et
catholiques n'ont pas changé de théologie
politique !
La perte de l'attente du
Règne.
" Ce que j'ai à te
reprocher, c'est que tu as perdu ton amour du
début ( ta ferveur première ), tu l'as
abandonné. Souviens-toi donc d'où tu
es tombée et reprends-toi..." :
Voilà ce que disait la parole
prophétique à l'Église qui vivait
à Ephèse vers la fin du 1°
siècle ( Apocalypse 2. 4 et 5 )
Si on se souvient qu'aimer Jésus" est "
aimer son Avènement"
( II Timothée 4. 8 ), on peut penser que dans cette
église chère à l'apôtre Paul (
Actes 19 ), la fervente attente de l'arrivée du
Règne de Dieu par la manifestation " en gloire" de
Jésus s'était " assagie" et
attiédie. L'espérance ardente du Jour
de gloire était en crise.
En fait il en a été ainsi dans toute la
chrétienté jusqu'à nos jours, sauf
dans des temps de réveil de la foi, de l'amour et
de l'espérance.
Mais chaque chrétien sait par expérience
combien ce "sommeil eschatologique" le saisit facilement;
d'autant plus que le Père paraît vraiment
trop tarder à laisser paraître son Fils et
que le risque est grand de céder à
l'illuminisme ou de s'évader dans le mystique!
Or il est clair que si notre "
Que ton Règne
vienne!" n'est que vaine redite païenne, nous
allons renier très vite la politique du
Maître.
Celle-ci, en effet, est " scandale pour les juifs et
folie pour les non-juifs, donc une position intenable
donnant lieu à un civisme d'épreuve et
d'écartèlement constants entre le refus de
tout " sacré" de ce monde et la sainte
fidélité aux lois du Royaume de Dieu:
être dans ce monde sans appartenir à
ce monde!
Aussi bien, pourquoi blâmerions-nous nos
pères spirituels d'autrefois en constatant que
très vite, ils se sont mis à penser: " Que
ce monde ne passe pas trop vite et que ton Règne
n'arrive pas tout de suite" ? Nous aurions certainement
fait comme eux. Il n'en est pas moins vrai qu'ils
ont cru bon, peu à peu et en Eglise, de laisser de
coté la politique de leur " Seigneur" , et,
à sa place, de pratiquer ( et de justifier par
leur théologie) la coopération active
à la politique des " seigneurs" de ce monde, des
Césars, Chefs de guerre, Présidents, Guides
suprêmes, Éminences et c .....et c...
Cette régression politique s'est
effectuée sur deux plans:
Dans le domaine de la société: la
guerre, les violences meurtrières, le culte de
l'Argent.
Dans le domaine ecclésial: les
divisions, le morcellement du Corps du Christ en "
dénominations", les superstitions, la suffisance
ecclésiastique, l'ignorance et
l'inégalité, le nationalisme patriotique,
le multitudinisme, et c C'est tout cela la "
Chrétienté".....
Georges SIGUIER 1920--2016
(Pasteur, Église réformée de France)