Honneur aux non-chrétiens
disant:
Plus Jamais ça
!
La grandeur des espoirs humains et
l'héroïsme des hommes de bonne
volonté.
Il faut se garder de toute ironie, de tout cynisme et
de tout scepticisme lorsque, cinquante ans après,
on compare les discours et les serments des " hommes de
bonne volonté": ceux qui, en mai
1945 étaient libérés des
camps et ceux qui, en mai 1995,
commémorent cette
libération. Après un
demi-siècle d'histoire mondiale vécue et
d'expérience humaine, après tant
d'étude et de compréhension des vraies
données du drame humain, faciles seraient les
jugements désespérés !
Mais la connaissance du salut mondial
déjà prêt et déjà en
cours ne conduit pas au mépris des efforts et des
luttes que poursuivent science, morale, politique et
idéaux des hommes.
Je serais insensé de blâmer le jeune
homme que j'étais et qui, tout rempli de la morale
humaniste, sacrifiait sa vie pour des idéaux de
justice et de liberté, de 1939 à 1945 !
Et comment blâmerais-je mes camarades de
résistance et de déportation que la " foi
en l'homme" menait à tant d'héroïsme
et de grandeur ? Mais c'est à leur "
Espérance" que je ne crois plus. Et si je n'y
crois plus ce n'est pas par désespoir, c'est bien
au contraire par connaissance claire et précise de
la Vraie Espérance, de la
Vraie Solution de l'Histoire Humaine.
C'est par le réalisme fondé sur la
promesse de Dieu et sur la politique victorieuse de
Jésus de Nazareth, seul avenir du monde. Et ce
réalisme-là ne me pousse pas à
m'isoler des problèmes humains de la cité
terrestre mais au contraire à m'y engager et
à militer.
Mais
à militer autrement.
Et à y combattre
autrement.
Et avec d'autres
armes.
Et avec une autre façon de "
résister", d'être un "
résistant"....
Si bien qu'aujourd'hui c'est le plein et Vrai
Évangile de Jésus que je veux
léguer et transmettre, de préférence
aux "valeurs humanistes" aux " espoirs humanistes" et aux
" philosophies et morales humanistes".
Gandhi, le sage hindou modèle de non-violence
active, avait raison de dire: " la contre-violence est
préférable à la résignation
mais l'action non-violente est préférable
à la contre-violence". En effet c'est cette
action non-violente que Jésus appelle "
l'amour des ennemis". Selon le Sermon
sur la montagne, l'amour des ennemis est la forme
parfaite de l'amour du prochain, celle qui correspond
à l'amour de Dieu et à sa "
justice".
C'est cette justice-là qui remplira la terre
lors de l'avènement de Jésus et de son
ultime venue " dans la gloire du Père". Le
monde, qui ne la connaît pas, ne peut pas la
pratiquer. Mais les disciples de
Jésus ont pour mission de la
pratiquer. Et ils en reçoivent la
force.
Ils apprennent de leur Maître à
répliquer par le bien à ceux qui leur font
du mal, y compris à ceux qui font du mal à
leur pays et à leurs concitoyens. Ils apprennent
à ne pas les tuer mais à leur
résister par les seules armes du Christ. Ils
prennent à cet égard une position de
principe radicale, comme leur Maître. En cela
ils anticipent l'avenir, cet avenir promis
qui fera régner sur terre la " politique" du Dieu
de Jésus-Christ.
Mais ils respectent et admirent ceux qui se sacrifient
pour la justice, la liberté, la paix,
l'intérêt de la patrie, en employant les
armes qui visent et tuent l'ennemi.
Honneur à mes camarades morts ainsi
:
Ce respect-là, je le garde profondément
quand je me souviens du " Serment de
Mauthausen", ce serment solennel prononcé
en mai 1945 par les rescapés qui venaient
d'être libérés:
" Nous voulons, après
avoir obtenu notre liberté et celle de
notre nation, garder le souvenir de la
solidarité internationale du camp et
en tirer la leçon suivante:
Nous suivrons un chemin commun, le chemin
de la compréhension réciproque
et de l'édification d'un monde
nouveau, libre et juste pour
tous.
Nous nous souviendrons toujours des
immenses sacrifices sanglants de toutes les
nations qui ont permis de gagner ce
monde nouveau...
Nous jurons de ne jamais quitter ce
chemin.
Sur les bases sûres de la
fraternité internationale, nous
voulons construire le monde de l'homme
libre !
Nous nous adressons au monde entier par
cet appel: aidez-nous en cette
tâche.
Vive la solidarité
internationale ! Vive la
liberté!"
|
Je respecte cette espérance et cet engagement,
comme je respecte la persévérance, dans
cette espérance et cette bonne volonté, des
vieux camarades de déportation qui viennent de
déclarer, en ce printemps 1995:
Message de la
journée nationale de la
déportation
"( Depuis 50 ans) des progrès ont
été accomplis mais, mais , sur
les cinq continents, les problèmes de
la guerre, de la faim, de la misère,
de l'exclusion, du racisme et de la violence
demeurent posés. Le respect des
droits de l'homme reste souvent à
conquérir.
Sur les places d'appel de Büchenwald
et de Mauthausen avait retenti le serment des
rescapés de participer à la
construction d'un monde nouveau dans la paix
et la liberté....
Cette promesse, nous la renouvelons en ce
cinquantenaire de la libération des
camps. Nous faisons confiance aux jeunes
générations pour construire un
avenir de paix, de fraternité et de
solidarité".
|
Je respecte profondément cette
espérance, cette confiance et ce combat de tous
mes amis,
les morts et les vivants, qui crient ce " Plus
jamais ça! "
Mais je ne partage plus ni cette
espérance-là, ni cette confiance-là,
ni même ce combat-là.!
Et puisqu'il est d'une extrême importance de
léguer un message de vérité aux
jeunes générations, voici plutôt
le Vrai " Plus jamais ça" ! que je
préfère leur communiquer, joyeusement
et victorieusement::
Georges SIGUIER 1920--2016
(Pasteur, Église réformée de France)