Aux racines spirituelles du
mal .
Les racines d'un
arbre sont à la fois ce point de
départ originel qui donne naissance
à la plante et cette source de vie
permanente qui fait grandir l'arbre et
assure son plein
développement.
C'est aussi vrai pour un arbre
donnant de mauvais fruits que pour un bon
arbre dont les fruits sont savoureux.
Ainsi en est-il de la "
Chrétienté":
elle a eu ses racines,
son origine ( d'ordre spirituel, et en
telles circonstances ).. puis elle
s'est développée, toujours
grâce à ces mêmes
racines. Et elle reste
vivace.
|
Il ne faudrait
pas conclure, pourtant, que tout a été
mauvais dans cette Église qui a presque deux
millénaires d'existence, ni que toutes les
personnes embarquées dans ce train
n'étaient que de faux disciples de Jésus
!!
Certes, dés les origines , une série
d'erreurs d'aiguillage a, sans qu'on s'en doute, mis le
train sur une mauvaise voie et ceci de façon
irréversible. Mais ceux qui étaient dans le
train, y compris les chefs de train, étaient le
plus souvent des chrétiens croyants et pieux,
parfois admirables ( les " saints", au sens populaire du
mot). Saint Louis était à la
fois un roi d'une grande piété et un
affreux meurtrier comme chef d'une croisade, au 13°
siècle. D'ailleurs, aujourd'hui comme hier, en
chaque chrétien cohabitent "l'esprit de
chrétienté " et "l'Esprit de
sainteté"; et ce sont les mêmes personnes
qui, à la fois et en même temps,
perpétuent le système pervers et en sont
les victimes. Ne condamnons pas mais les personnes mais
les discernons la perversion de l'Église par
rapport à son seul Chef, le Christ et sa
Parole.
En même temps que le " livre noir de la
Chrétienté" il est indispensable
d'écrire "le livre d'or de l'Église de
Jésus". Oh, pas à la façon de
l'hagiographie ( rédaction de la vie des saints )
fantaisiste au sujet des " saints" catholiques du
calendrier ! § Mais en
pensant à ces millions d'obscurs fidèles
qui ont fidèlement aimé Jésus,
à ces multiples groupes "hérétiques
" et à ces petites assemblées dissidentes
et persécutées qui s'appliquaient à
vivre " en église" selon les directives du
Maître ( par exemple : " Vaudois", premiers "
Franciscains", " Hussites", " Cathares",
évangéliques " luthériens" du
début, frères " moraves, "
communautés de base" d'Amérique latine, et
c .....)
§-St Louis
était à la fois un roi d'une grande
pièté et un affreux meurtrier comme chef
d'une croisade au 13° siècle.
Magnifique et surnaturelle épopée
conduite par le Saint Esprit, de siècle en
siècle, à travers un courant permanent de
réveil, de renouveau et de réforme, trop
souvent hélas, à la lueur des bûchers
et sous l'insidieuse pression des "
récupérations" ecclésiastiques (
comme pour le "Renouveau Charismatique"!)
C'est la réalisation du
programme mondial annoncé et ordonné par le
Messie ressuscité:
1- de Jérusalem jusqu'aux
extrémités de la terre:
proclamation de l'Évangile du
Royaume et du salut, mondialisation du témoignage:
" Jésus est le Sauveur du monde".
2- grâce à cette mission:
recrutement du peuple messianique,
rassemblement de " la Jérusalem nouvelle" et
construction de la cité du monde nouveau qui
vient.
3- réalisation du projet de Dieu pour
Israël son peuple, par l'extension de ce
peuple aux dimensions du monde ( tous ceux qui croient en
Jésus), avec pour finir l'accomplissement total
des Promesses par le Dévoilement "
dans la gloire du Père" du Messie
Jésus.
Voilà le vrai succès et la
victoire du " christianisme".
Mais le but de ces pages n'est pas de
développer le positif dont est chargé le
mot " Église", Il est au contraire de montrer et
de décrire le négatif, le mal dont souffre
l'Église, les racines spirituelles de ce mal, et
ce que l'on appelle " le malentendu de
l'Église.
Ces mots sont le titre d'un ouvrage paru à
Neufchâtel en 1956, ( éditions
H. Messeiller) du théologien suisse
Émile Brunner, un des artisans de ce renouveau
théologique important dont Karl Barth a
été la figure de proue. Je tiens
à dire que les pages qui suivent sont
imprégnées de ce qu'explique et
démontre Brunner dans son livre: l'énorme
distance qui sépare ce que le Nouveau Testament
nomme l'Église ( " l'Ekklesia", en grec ) de ce
que nous, aujourd'hui, désignons par ce même
mot. Donc grave malentendu et gravissime
confusion.
"Ce que le christianisme
primitif entendait par " Ekklesia" diffère
totalement de ce qu'on appelle " Église" chez les
catholiques romains ou chez les
protestants.....
En fait l'Église
elle même repose sur un malentendu dans
la mesure où elle prétend
s'identifier avec l'Ekklesia du Nouveau
Testament. L'auteur de ce livre doit
s'attendre, par conséquent, à
une violente réaction de la part de
tous ceux qui veulent défendre leur
église particulière comme si
elle était la vraie... Il compte
d'autre part sur l'accord de ceux qui sont
plus attachés à Jésus
Christ qu'à leur
Église."
( Brunner: Avant propos
pages 7 et 9) Paru à Neufchatel en 1956
éditions H. Messeiller ouvrage
épuisé.
|
- On peut distinguer,
dés les premiers siècles , trois
déformations ou trois dérives qui
ont placé l'Église sur une mauvaise
voie:
1°- La dérive
Théologique, ou dogmatique,
2°- La dérive sacramentelle
et cultuelle,
3° - La dérive
cléricale et politique.
La première a altéré le sens
et le contenu de l'Évangile fondateur,
enfermé peu à peu dans des
théologies ecclésiastiques et des dogmes
figés.
La deuxième a peu à peu fait chuter
la communauté du Messie dans la " religion"
et a restauré le " sacré" dans le culte
du Seigneur d'Israël et de ses serviteurs ( un
clergé).
La troisième a lentement laissé des
Pouvoirs et des Puissances s'installer dans
l'Église et l'asservir, provoquant à la
fois l'abandon de l'unité par communion
fraternelle d'amour et le reniement de l'amour pour les
ennemis ( la guerre ).
Ces trois déformations ont
"fonctionné" ensemble et
simultanément. Elles se sont nourries
mutuellement . Elles se sont aggravées au fil
des siècles. Elles ont imprégné
"l'inconscient collectif" du peuple chrétien.
Le pire: on n'a jamais
cessé de les justifier par la Bible et la
théologie; on n'a jamais cessé de les faire
vivre dans des institutions et des structures.
Que le lecteur se rassure ! Cette triple apostasie ne
sera décrite que très sommairement et sans
nuances. A la grande satisfaction des
théologiens et des historiens universitaires, bien
sûr. Je n'ai pas les compétences !
Par contre, j'espère que le chrétien
" d'en bas", le modeste chercheur biblique ou même
l'agnostique en quête de vérité
trouveront ici un peu de matière à
réflexion.
D'ailleurs, qu'est-ce qu'un
"théologien"? Le mot, d'après
l'étymologie, joint les deux mots grecs " theos"
et " logos" qui signifient respectivement " dieu" et "
parole". Le " Théologien" est donc l'homme ou la
femme qui parle au nom de Dieu, d'une façon ou
d'une autre. Mais certains Pères de l'Orient
disaient également: " Est théologien
quiconque parle à Dieu", c'est à dire toute
personne qui prie Dieu. Soyons donc tous,
humblement, de bons théologiens!
Et pour être de bons théologiens
chrétiens, écoutons ce que Jésus,
notre maître à penser, dit de son Dieu.
Prions-le, lui seul, uni à son Père et
notre Père.
Et comparons ce qu'il dit de Dieu à ce que
disent de Dieu les dogmes ecclésiastiques et les
doctrines ultérieures des Églises, du
4° siècle par exemple jusqu'à nos
jours.
Georges SIGUIER 1920--2016
(Pasteur, Église réformée de France)